Publié le Lundi 24 mai 2010 à 14h37.

Retraite à la suédoise : un modèle?

Le système de retraite suédois est souvent mis en avant par l’État et les patrons pour faire accepter la contre-réforme. Néanmoins, ce « modèle » est largement mis à mal par la crise.

Avant 1994, les Suédois devaient avoir 64 ans et au moins 30 ans de cotisation pour partir à la retraite. La pension était alors calculée sur les revenus des quinze meilleures années d’activité. Le système a été bouleversé au début des années 1990. La nouvelle organisation a été définitivement votée en 2001. Au moment où s’ouvre le débat sur une nouvelle contre-réforme des retraites en France, le modèle suédois est mis en avant... Mais de quoi s’agit-il ?

Un système mixte…

Le système mis en place en Suède est financé par un prélèvement de 18,5 % du salaire plafonné dont 16 % vont à la répartition et 2,5 % à la capitalisation, alimentant des fonds de pension. Ce prélèvement est financé à parts égales par l’employeur et le salarié. Le système prévoit que cette répartition entre systèmes de base et complémentaire peut varier. Le calcul des pensions tient désormais compte de l’accroissement (ou pas) du PIB et de l’espérance de vie lors du départ à la retraite. La retraite est fixée à 65ans, mais peut être prise avant (à 61 ans) ou... après (67 ans). Plus on travaille tard, plus importante est la retraite puisqu’on la percevra moins longtemps. Les congés parentaux, les études universitaires et le service national obligatoire sont pris en compte et ouvrent des droits. Mais, évidemment, les cotisations sont alors prélevées sur des revenus amoindris et donnent moins de droits à la pension. Les Suédois reçoivent chaque année un courrier les informant de l’état de leur future pension en fonction de l’âge auquel ils arrêteront de travailler. Il existe un minimum garanti de 725 euros par mois. La pension de base résulte de ce que l’on a cotisé durant toute sa vie professionnelle. À chaque euro versé correspond un crédit-retraite. Pour la partie de pension assise sur les 2,5 points de cotisation par capitalisation, la pension dépend directement de ce qui a été capitalisé au fil des ans... et des cours de la Bourse ! Si les rapports ont été bons les premières années – 12 % en 2006 et 5,6 % en 2007 –, la crise a éreinté les fonds de pension des retraités suédois en 2008 avec une dégringolade de 34 %. La part des pensions qui en dépend va donc baisser.

… Où la solidarité disparaît

En regardant de près, on voit bien que la logique générale du système suédois est à l’exact opposé d’une logique de solidarité entre cotisants, entre générations, entre pensionnés. Logique de solidarité qui, en France au moins, a fondé la Sécurité sociale. Au-delà du plancher assuré par l’État suédois et qui équivaut à notre minimum vieillesse, chacun cotise pour soi et reçoit en fonction de ce qu’il a personnellement versé : le tout est réparti sur les années qu’il lui reste à vivre, selon l’espérance de vie moyenne de sa tranche d’âge… Sur le fond, la pension de retraite est comme une dette accumulée à l’égard du salarié, dette que le système lui rembourse au fil de ses années de retraite. Idéalement, à son décès, les points accumulés au long de la vie et les pensions versées doivent s’équilibrer. Dans cet équilibre, les pensions versées servent globalement de variable d’ajustement au système.

Si l’espérance de vie s’allonge, la pension doit logiquement baisser…

Enfin, ce système fait baisser la pension de tous ceux et celles qui ont eu des périodes de chômage, d’absence du marché du travail pour cause d’études, d’enfants ou de maladie, de précarité. Il suffit de voir la situation faite aujourd’hui aux jeunes, avec des carrières qui commencent tard, passent directement par Pôle emploi ou par des stages pas ou mal payés et par des petits boulots, pour s’inquiéter de ce modèle-là. Comme il s’agit d’un système par répartition, le modèle suédois est aujourd’hui mis en avant par tous ceux qui veulent soi-disant « sauver le système par répartition à la française ». Mais, on le voit bien, ce système engendre encore plus d’inégalités, oblige à travailler toujours plus, met fin à la solidarité inter­­générationnelle ainsi qu’au salaire socialisé pour mettre en place un revenu différé…

Sandra Demarcq