Publié le Samedi 23 octobre 2010 à 17h07.

Une crise sociale et politique

Au moment où nous écrivons ces lignes, nul ne peut dire quelle sera l’issue de la mobilisation contre le projet de loi sur les retraites. Et c’est une bonne nouvelle. Tout d’abord parce que cela signifie que le pouvoir en place n’a pas pour l’instant réussi à tenir son pari, celui de s’attaquer aux retraites en écrasant, voire en écartant toute contestation sociale. Au contraire, celle-ci grandit, révélant l’exaspération, la révolte qui animent une grande majorité de la population. Certes l’affaire Woerth-Bettencourt a efficacement contribué à discréditer encore plus la droite aux commandes, le ministre en charge du dossier des retraites étant largement compromis avec les milieux d’affaires et une des familles les plus fortunées de France. Mais au-delà de cette affaire, il est devenu de plus en plus insoutenable et injuste à des millions d’hommes et de femmes précaires, chômeurEs, salariéEs de supporter la facture de la crise économique et de se voir imposer les sacrifices exigés par le gouvernement et le patronat, alors qu’une minorité de possédants profite allègrement du système. L’ensemble des peuples d’Europe sont logés à la même enseigne : plans d’austérité et politiques de rigueur se poursuivent. Il s’agit en fait d’en finir avec tous les acquis, de sabrer dans les budgets sociaux, de détruire les services publics, au nom du remboursement d’une dette publique fabriquée par les politiques libérales et creusée pour sauver les banques.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de loi contre les retraites. Un projet qui a valeur de test

à une période charnière du quinquennat de Sarkozy : le président a besoin d’un succès sur ce dossier pour entamer à son avantage les derniers mois avant les présidentielles de 2012. Et, pour les mêmes raisons, le mouvement social doit faire face à un enjeu de taille, défaire aujourd’hui Sarkozy sur le terrain social.

Rien n’est joué donc. Le climat combatif en cette rentrée montre l’envie d’en découdre de la part d’une bonne partie des salariés et d’équipes syndicales déterminées à affronter la droite qui apparaît aujourd’hui divisée. Certains dirigeants, parmi elle, pensent même que l’actuel chef de l’État pourrait ne pas être le meilleur atout pour gagner aux prochaines présidentielles. Les appels à l’unité du chef de file de l’UMP cachent mal la grogne qui s’exprime parmi les députés et les sénateurs craignant pour leur ré-élection.

L’idée qu’il est possible de l’emporter face à Sarkozy a gagné du terrain. La mobilisation se nourrit de la crise politique et du puissant discrédit du pouvoir dont la légitimité même est atteinte. Il est devenu totalement insupportable aux yeux d’une large majorité de la population que Sarkozy et son entourage continuent de gouverner jusqu’en 2012. La volonté de les chasser au plus vite est puissante et constitue un bol d’air frais.

Pour autant de vraies difficultés demeurent, à commencer par le calendrier choisi par les directions syndicales et leur stratégie actuelle qui ne correspondent pas à ce qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour construire une mobilisation d’ampleur, par la grève reconductible. De plus la mobilisation pour l’instant n’a pas généré de structures d’auto-organisation, nécessaires pour que les salariés prennent en main leurs luttes et les développent. Mais le poids de la crise sociale et ses conséquences – précarité, chômage et peur des licenciements – pèsent aussi sur la mobilisation, ce d’autant plus que les travailleurs ont bien compris que l’attaque contre les retraites nécessite une riposte à un niveau très élevé, car seule la grève générale fera reculer le pouvoir.

Cet objectif exige des militantEs du NPA de poursuivre plus que jamais leur implication dans cette lutte. Bien sûr le NPA ne peut changer à lui seul le rapport de forces. Mais par son travail unitaire, celui effectué au sein d’équipes syndicales de lutte, celui mené dans les comités, le NPA a montré son ancrage, sa capacité à agir, et surtout qu’il était apte à se rassembler pour l’essentiel lorsque les circonstances l’exigent. Comme parti des luttes et pour les luttes le NPA fait la démonstration de son utilité.

La détermination à combattre jusqu’au bout cette contre-réforme ne doit pas faiblir. Une victoire sur les retraites changerait notablement le rapport de forces dans ce pays et au-delà même de nos frontières. Il constituerait sans doute un formidable encouragement pour tous ceux et toutes celles qui ne veulent plus subir le capitalisme et qui pensent qu’on doit en finir avec ce système.

Myriam Martin et Frédéric Borras