Publié le Mercredi 22 mars 2023 à 09h40.

3 Une aspiration au dehors, de Geoffroy de Lagasnerie

Éditions Flammarion, 2023, 202 pages, 21 euros.

«À l’heure où les existences et les aspirations semblent terriblement normalisées, ce livre voudrait fonctionner comme une sorte de manuel d’existence — un manuel de vie anti-institutionnelle qui chercherait à donner un sens concret à l’aspiration utopique à une vie autre. »

Ils sont 3 : Édouard Louis (En finir avec Eddy Bellegueule), Didier Eribon (Retour à Reims) et l’auteur, Geoffroy de Lagasnerie. Peu à peu, après s’être rencontrés et avoir instauré un singulier système de relation à trois, les trois en question en viennent à établir l’amitié comme un mode de vie. Il ne s’agit pas ici de concéder à l’amitié l’espace résiduel qui n’est pas occupé par les relations sociales dominantes : le travail, la famille. Il s’agit au contraire de concevoir un mode de vie explicitement en rupture avec les structures normatives de la famille. Le « familialo-matinalisme » étant ce qui nous enferme et nous opprime, l’amitié est à l’opposé, ce qui permet de se projeter vers le dehors, un « dehors des formes normatives de la vie en société ».

Une éthique de la disponibilité

À l’inverse des cadres institutionnels de la famille qui fonctionnent comme des « donnés » hérités, intangibles, qui encadrent la vie de l’individu au sein d’un système établi et reconnu, adopter l’amitié comme un mode de vie suppose, selon l’auteur, une invention permanente et la volonté consciente de créer ensemble un système original. Puisque ce n’est pas une institution sociale dominante, puisque cela ne va pas de soi, l’amitié comme mode de vie ne peut durer que si ses protagonistes la rendent possible, notamment en veillant, en permanence, à se rendre disponibles aux autres.

La vie à écrire

L’auteur souligne longuement la place de l’écriture dans ce processus. En effet, les trois écrivent. Leur vie même est centrée sur l’écriture. L’écriture apparaît alors à la fois comme ce qui rend possible cette singulière relation à trois et comme ce qui est rendu possible par elle. De la même façon que l’amitié permet de s’émanciper de la famille, l’amitié comme mode de vie, avec tout le système des échanges qu’elle permet, est ici présentée comme une possible alternative aux structures sociales normatives de la reconnaissance de l’écrivain et de son œuvre.