Les bons caractères, collection « Éclairages », 2022, 142 pages, 8,20 euros.
Alors que les chiffres envahissent l’espace politique et médiatique, assénés comme autant de preuves supposées objectives, ce petit ouvrage accessible à touTEs montre les dessous de la fabrication des principaux indicateurs économiques. Car, comme le rappelle l’auteur, les statistiques sont d’abord produites pour répondre aux besoins des gouvernements et du patronat, pour guider leur politique, plus que pour éclairer la population.
Du PIB aux chiffres du chômage
Il en est ainsi du produit intérieur brut (PIB), qui mesure la valeur ajoutée produite en France, et dont la croissance est supposée, à en croire les gouvernants, refléter le bien-être de la population. Or, il n’en est rien. Le PIB mesure l’activité sur les marchés capitalistes, sans se préoccuper des effets, ou des causes, indésirables de certaines productions (pollution, maladies, etc.). Certains pans de l’activité humaine lui échappent, tels que la fraude ou l’économie souterraine (en fait estimées par l’Insee, mais partiellement et très à la louche). Le travail domestique aussi est ignoré, invisibilisant une activité réalisée principalement par des femmes et dont l’utilité sociale est pourtant nettement supérieure à la fabrication et distribution de prospectus publicitaires ou d’armes, par exemple. Qui plus est, le PIB étant calculé à partir des comptes des entreprises, l’optimisation fiscale des multinationales fait disparaître une partie de la valeur ajoutée. Via des facturations bidon de droit d’usage, conseils ou frais divers ou des surfacturations de pièces détachées, les multinationales transfèrent une partie de leurs profits vers des succursales dans les paradis fiscaux : ces montants évadés apparaîtront en France comme « consommations intermédiaires » et non dans la valeur ajoutée. L’évasion fiscale conduit donc notamment à sous-estimer la part des patrons dans le partage de valeur ajoutée.
L’ouvrage s’intéresse de la même manière aux chiffres du chômage, montrant pourquoi ils peuvent s’écarter du ressenti des concernés. Il explique ensuite les rudiments de la bourse, pour mieux comprendre comment fonctionnent les indices boursiers. Il montre en quoi les moyennes ne veulent pas dire grand-chose s’agissant des revenus, tant les inégalités sont frappantes. Il termine enfin sur les limites de l’indice des prix, indiquant pourquoi il traduit mal ce que vivent les classes populaires.
Les initiéEs ne découvriront certes pas grand-chose, si ce n’est une piqûre de rappel sur les limites de ces chiffres, trop souvent oubliées. Les moins aguerris en ressortiront mieux armés.