Un film de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat. Scénario de Serge Halimi, Pierre Rimbert, Renaud Lambert, Gilles Balbastre et Yannick Kergoat. Epicentre Films, 2012 (DVD 110min), 14,90 €.Les nouveaux chiens de garde, directement inspiré du livre de Serge Halimi1, essai sur la critique des médias, est un film politique qui montre de manière très claire le lien direct entre le capitalisme et les médias. On apprend ainsi comment le pluralisme (pluralisme des chaînes, des radios, des journaux) vanté par les médias eux-mêmes pour montrer le « large choix » qu’aurait le public, est en fait quadrillé et contrôlé par une poignée de capitalistes comme Lagardère ou Bouygues. Une grande partie du film se concentre sur les experts économiques, ces « savants », experts en expertise, chercheurs aux CNRS et dans mille et un instituts économiques. Ils se nomment Alain Minc, Michel Godet, Elie Cohen, etc. et interviennent régulièrement dans les émissions de télévision, les JT, les magazines spécialisés et les radios, pour y donner leur avis de « spécialiste », notamment sur la question de la crise. Et, selon eux, la crise est derrière nous, à condition que le gouvernement fasse les « réformes » nécessaires. Le plus édifiant est qu’on apprend qu’ils sont en fait pour la plupart de grands actionnaires des entreprises du CAC 40 et de grands amis des patrons de ces dernières… « Le fait divers fait diversion » : Bourdieu expliquait ainsi l’augmentation exponentielle des sujets liés aux meurtres, à la pédophilie, au mariage des stars etc. On voit dans le documentaire comment effectivement les différents médias ont donné une place extrêmement importante aux fait divers ces dernières années. Mais attention, pas à n’importe lesquels. Ainsi, dans trois influents journaux français (Libération, le Monde et le Figaro), il y a eu en deux semaines plus de 25 articles et brèves consacrés à la relance de l’enquête sur la thèse du complot contre DSK. Et par comparaison, zéro article, zéro brève, zéro mot, sur la mort d’un ouvrier intérimaire écrasé entre les parois métalliques et le moteur d’une tour de convoyage de charbon dans une centrale thermique d’EDF…Alors quoi ? La presse, les médias, seraient-ils, in fine, de classe ? Oui, nous répond le film et c’est là que se trouve sa plus grande force. Il montre objectivement et avec la plus grande clarté que les grands médias sont au service de la bourgeoisie, du capitalisme et expriment une haine farouche contre les travailleurs ou les jeunes des banlieues quand ceux-ci ont le culot de redresser la tête. Pujadas, présentateur du JT de France 2, interviewe ainsi en direct Xavier Mathieu lors de la grève des « Continental » et lui demande sur un ton paternaliste à peine dissimulé de calmer ses camarades en colère : « Est-ce que ça ne va pas trop loin ? Est-ce que vous regrettez ces violences ? Est-ce que vous lancez un appel au calme ? ». Indépendance ?À la fin du film, les auteurs revendiquent un grand service public des médias, proposition qui semble bien progressiste au vue de l’emprise du capital sur ces derniers. On pourrait aller plus loin en proposant également qu’un gouvernement ouvrier exproprie les groupes du CAC 40 (qui contrôlent aujourd’hui les grands médias) et que les médias soient mis sous contrôle des travailleurs. Tout au long du film, le ton ironique du narrateur donne une sympathique touche d’humour à ce sujet si triste et si révoltant, et la musique du jazzman Fred Pallem trouve sa place à merveille dans cet ensemble parfaitement réussi.Un film à voir, et surtout à populariser...Lazslo Merville1. Halimi Serge, Les nouveaux chiens de garde, Raisons d’agir, Paris, 2005.www.lesnouveauxchiensdegarde.com