Publié le Vendredi 28 octobre 2022 à 08h21.

« Quand tu écouteras cette chanson », de Lola Lafon

Éditions Stock, 180 pages, 19,50 euros.

Le livre de Lola Lafon est paru dans la collection « Ma nuit au musée ». Rien à voir avec la comédie américaine sortie au cinéma il y a quelques années, avec animaux et œuvres d’art qui reprennent vie la nuit. Ici l’idée est de donner à unE auteurE la possibilité de passer une nuit dans le musée de son choix et d’écrire ce que cela lui inspire.

Un « musée » singulier

Lola Lafon a choisi un lieu qui n’est pas vraiment un musée, en tout cas pas un musée classique, il s’agit de « l’Annexe », la maison d’Amsterdam dans laquelle Anne Frank a passé plus de deux ans (25 mois) cachée avec sa famille avant qu’ils et elles soient arrêtés par la Gestapo en août 1944, puis internés dans des camps pour ­mourir en mars 1945 à Bergen-Belsen.

Lola Lafon nous raconte d’abord comme elle en est venue à passer cette nuit-là, seule, dans cette maison vide, un été de 2021. Comment et pourquoi elle a choisi ce « musée », et de nous parler de la vie d’Anne Frank, du sort d’une famille juive allemande.

On connait l’histoire mais certainement pas assez. On ne nous la racontera ou on ne la lire jamais assez. Alors Lola Lafon raconte, la fuite de la famille, père et mère, Anne et sa sœur Margot, d’Allemagne pour se réfugier en Hollande. Puis viennent les premières lois anti-juives dans un pays qu’ils et elles croyaient à l’abri, puis vient le moment de se cacher, la vie devenant trop dangereuse, dans un appartement, sans jamais sortir.

Devoir de mémoire

On connait pour la plupart le journal d’Anne Frank, lu à l’école ou après. Mais, en vrai, on ne le connait pas assez. Lola Lafon nous en parle, elle raconte encore comment ce journal prend forme, comment il s’écrit et comment il évolue. L’histoire aussi de ce journal, adapté plus tard au théâtre puis au cinéma, édité, réédité, parfois maltraité. Ce journal est plus qu’un journal intime, il ne parle pas que d’Anne, de sa famille, il parle d’une époque, d’un monde, c’est même une œuvre littéraire.

Avec cette nuit au musée, dans l’Annexe, Lola Lafon revient sur l’horreur de la Shoah qui a frappé tant de familles juives, le racisme, l’antisémitisme qui a frappé l’Europe pendant les années 1930-1940. Lola Lafon parle alors aussi de ses origines, de ses grands-parents juifs, ouvriers et communistes. Comme une affiliation, comme un devoir de mémoire.

Et puis, il y a ce lien mystérieux avec une autre histoire, celle de la chanson qu’on écoutera, celle d’un tout jeune cambodgien qui mourra lui aussi assassiné par la dictature, une autre, quelques années après, dans les années 1970.

Tout cela est très émouvant, c’est d’une grande tristesse. Et c’est si bien raconté. On a envie de dire merci pour cet hommage à Anne Frank, aux familles juives pourchassées, réprimées, assassinées, à ces familles et ces personnes elles aussi assassinées dans le monde, au fil des décennies, par tant d’oppresseurs. Merci.