Traduit de l’arabe par S. Fahmi, assistée de S. Siligaris. Éditions Actes Sud, 2012, 370 pages, 22,80 euros.
« S’il y avait des animaux sauvages en Égypte […] ils auraient déjà pris la fuite, car la catastrophe est imminente. » Cette réflexion que se fait le jeune Azzedine en entendant dire que pas un seul animal n’avait succombé au gigantesque tsunami qui avait submergé les côtes du Sri Lanka, donne d’emblée le ton du récit.
Khaled Al Khamissi décrit cet état de catastrophe imminente de l’Égypte avant la chute de Moubarak — à travers douze personnages. Le récit progresse en passant de l’un à l’autre — d’un jeune diplômé au chômage candidat à l’émigration, à sa petite amie avec laquelle il rompt et qui se retrouve mariée de force à un restaurateur installé à New York, puis à l’homme à tout faire de ce dernier et ainsi de suite. À la manière d’un long travelling ininterrompu, centré sur chacun, tout en nous laissant voir en toile de fond une société rongée par l’inquiétude et la corruption, où riches et pauvres cherchent le salut dans la fuite à l’étranger. Mais les voies de l’exil sont tortueuses, coûteuses et extrêmement dangereuses pour les plus pauvres. Nombreux sont ceux qui disparaissent à jamais en pleine mer, sur une route de montagne ou en pleine jungle.
Malgré les mises en garde et la violence des trafics en tout genre, qu’il s’agisse de clandestins, de prostitution ou encore d’organes, l’espoir d’échapper à la pauvreté, à la dictature et aux conflits interconfessionnels pousse toujours plus de candidats à tenter leur chance sur l’Arche de Noé — métaphore de la catastrophe divine à venir comme des coques de noix qui se lancent à l’assaut de la Méditerranée.
Ce roman permet de saisir le chaudron social égyptien en ébullition avant la chute de Moubarak, mais aussi tous les défis qui se dressent devant le formidable mouvement qui a balayé le pays. Un mouvement qui, s’il se révèle une catastrophe pour les dominants, est en train d’ouvrir de nouveaux horizons pour le peuple égyptien.