En finir avec l’Europe... Le titre est provocateur et discutable. Le livre prend acte de l’évolution du processus européen. Bourgeoisies et forces politiques dominantes, de droite et de gauche, sont unifiées sur l’essentiel d’un programme d’austérité et de casse des acquis sociaux. Par contre, les salariéEs et l’ensemble des dominéEs continuent de lutter pays par pays. Sur la base de ces constats, les auteurs soutiennent qu’il serait illusoire pour le mouvement ouvrier de se fixer comme objectif une « autre Europe », sociale et démocratique. La seule perspective crédible est celle d’une victoire sociale dans un pays. L’ouvrage revient aussi sur la genèse de l’Union européenne et analyse sa nature non-démocratique. Il montre que l’Union européenne est de plus en plus un espace hiérarchisé, avec un Sud subordonné à des décisions dont la bourgeoisie allemande est désormais, selon les auteurs, la principale inspiratrice. On y trouvera également des développements sur l’extrême droite et le rôle de l’Aube dorée grecque comme milice au service des politiques d’austérité. L’ouvrage est d’une lecture stimulante. Certains développements peuvent être contestés. Il faudrait approfondir l’analyse des différentes classes dominantes qui sont loin d’être passives et entièrement subordonnées à l’Allemagne. Les revendications par lesquelles se conclut l’ouvrage sont, notamment, trop étroitement économistes. Mais l’essentiel est ailleurs : la question européenne est-elle, comme le soutiennent les auteurs, une question secondaire pour les gauches sociales et politiques ? Tout en dénonçant les traités européens, en se prononçant pour le « non » à chaque référendum, les marxistes révolutionnaires ont avancé simultanément la perspective des États-Unis socialistes d’Europe. Ils ont soutenu toutes les initiatives allant dans le sens de la convergence des luttes : euro grèves (notamment dans le rail), marches des chômeurs, forums sociaux, etc. Le NPA a stigmatisé le caractère anti-démocratique des décisions européennes mais s’est toujours gardé de tomber dans la dénonciation de la seule Allemagne. L’ouvrage est une utile introduction à une discussion nécessaire sur l’horizon de nos luttes et de notre action politique, alors que les élections européennes se profilent.
Henri Wilno
Essai : En finir avec l’Europe sous la direction de Cédric DurandLa Fabrique éditions, 2013, 15 euros