Née il y a un an et demi à la suite des revers électoraux de l’UMP, la Droite populaire s’est fait connaître par ses propositions chocs et réactionnaires. Ce collectif parlementaire, dont le programme est un recyclage des mesures préconisées par le Front national, démontre la volonté de fractions de la bourgeoisie d’en finir une bonne fois pour toutes avec le mouvement ouvrier et ses acquis.
Avec son programme en douze points rendu public le 27 septembre dernier, la Droite populaire a une nouvelle fois réussi à faire parler d’elle.
Depuis sa fondation, il y a plus d’un an, ce regroupement de parlementaires au sein de l’UMP occupe une place non négligeable dans l’espace médiatique, en se faisant la spécialiste de propositions chocs : interdiction de la double nationalité, défense du drapeau français et de la Marseillaise, apéro saucisson-pinard à l’Assemblée nationale en juillet 2010, interdiction des grèves dans les transports en période de vacances ou encore, tout récemment, une pétition contre le droit de vote des étrangers. Elle apparaît également comme une possible passerelle pour permettre une intégration du Front national dans le jeu politique traditionnel. Il n’est donc pas inutile, à l’heure où cette « droite décomplexée » annonce son intention de se structurer en véritable mouvement militant, de revenir à la fois sur son histoire et sur ses cadres idéologiques.
Une droite de combat
Le collectif parlementaire qui s’est baptisé Droite populaire est né au lendemain des élections régionales de 2010. Il a été fondé par les députés Lionnel Luca et Thierry Mariani, qui en ont rédigé la charte et l’ont fait connaître pour le 14 juillet 2010. À cette occasion, 33 autres parlementaires ont rejoint la structure en signant ce document fondateur. Pour l’ensemble de ses membres, la défaite cinglante du printemps 2010 est le produit d’une perte de repères au sein du parti présidentiel. La présence des « ministres d’ouverture » au sein du gouvernement ainsi que la stratégie adoptée brouilleraient le message traditionnel de la droite en faisant trop de concessions à des valeurs étrangères au corpus idéologique classique. Comme souvent dans une telle situation, le retour aux fondamentaux est présenté comme la meilleure solution. C’est ce qu’affirme d’emblée leur charte en parlant de « droite de conviction », et en plaçant sa démarche dans la droite ligne du débat sur « l’identité nationale ». Le choix du 14 juillet 2010 n’est pas non plus anodin, puisqu’il s’agissait d’affirmer par là l’une des dimension fondamentale de ce collectif : « Le collectif de la droite populaire croit en la Nation, seul cercle d’appartenance à la fois à l’échelle de l’homme et à l’échelle du monde. Nous souhaitons la promouvoir comme gage de stabilité entre les peuples et comme élément fondamental de notre identité ». Dans le contexte général de crise, ce collectif est parvenu à occuper rapidement une véritable place et à polariser l’attention par des prises de position fracassantes. Cette stratégie s’est révélée payante, puisqu’au mois de novembre 2010, Thierry Mariani a fait son entrée au gouvernement, en tant que secrétaire d’État chargé des Transports. Cette nomination a marqué d’une certaine façon la reconnaissance à part entière de cette mouvance en même temps qu’une nouvelle droitisation du gouvernement comme du parti présidentiel.
Un seul programme : serrer la vis !
À quoi ressemblerait la France vue par la Droite populaire ? Ni plus ni moins qu’une vaste caserne peinte en bleu-blanc-rouge ! On y saluerait le drapeau national tous les matins en chantant la Marseillaise, on surveillerait proches et voisins afin de s’assurer qu’ils respectent bien la législation en vigueur, l’homme travaillerait dur chaque jour afin de pouvoir remettre à sa femme les gains de son labeur pour qu’elle assure l’entretien du foyer et de la progéniture. C’est en tout cas ce qu’il ressort à la fois de la charte et du programme de la Droite populaire, les deux documents s’articulant autour de trois principes connus : la patrie, le travail et la famille. Dans la droite ligne de la lepénisation des esprits et des fantasmes créés par la mondialisation, il s’agit en premier lieu de défendre les valeurs nationales menacées par la déferlante des immigrés. Sur cette question, le programme est clair : « instaurer un droit de la volonté pour l’acquisition de la nationalité française à 18 ans en mettant fin à son automaticité », « supprimer toute aide publique aux associations venant en aide aux étrangers illégaux », « restreindre le regroupement familial, en supprimant son automaticité (à l’instar de la loi danoise) », ainsi que « s’opposer au droit de vote et d’éligibilité des étrangers »… Sur cette dernière question, elle a annoncé mardi 4 octobre le lancement d’une pétition. Le collectif de la Droite populaire a fortement occupé ce terrain depuis sa fondation et entend bien maintenir la pression. La compétition avec le Front national n’en sera que plus rude !
Deuxième dimension essentielle de ce programme : le travail. Les deux premiers points de leur programme concernent donc la justice sociale et la lutte contre la fraude, sur la base d’une notion qui sert de pilier à l’ensemble de leurs propositions : le mérite. À l’heure des dividendes scandaleux et des surprofits boursiers, il s’agit d’ériger un écran de fumée visant à protéger le système. Les efforts ne doivent pas être consacrés à la transformation de l’État et de la société, mais bien investis dans le cadre d’une perspective de progression individuelle. L’orientation économique préconisée est un mélange de fables patronales sur l’homme de rien qui s’élève grâce à sa seule volonté et un travail acharné, de théories sur l’auto-entreprenariat et d’une vision policière de l’État providence.
Enfin, alors que la société est agitée de convulsions profondes, ces parlementaires défendent une vision « naturaliste » de la famille et de l’organisation sociale. Ce n’est pas un hasard s’ils ont été particulièrement virulents contre l’introduction de la théorie du genre dans les ouvrages scolaires de biologie. Il s’agit de protéger les enfants de mauvaises influences tout en leur inculquant les valeurs traditionnelles qui seraient le fondement de la France.
Détruire le mouvement social
Fondamentalement, les bases de ce collectif se situent au carrefour de multiples préoccupations. Le fait qu’il soit largement composé de députéEs du Sud-Est indique déjà clairement la pression qu’exerce l’électorat frontiste dans cette région. Pour partie, le programme de la Droite populaire obéit donc à de simples visées électoralistes (la reprise de vigueur du FN laisse présager un nombre de triangulaires supérieur à 2007). L’accent mis sur la question de l’immigration participe de cette démarche : il s’agit pour ces politiciens professionnels de ne pas se laisser dépouiller de leur situation et des revenus et avantages symboliques qui vont avec. Mais la situation politique les empêche de passer avec armes et bagages directement au Front. Alors ils en recyclent directement le programme et les discours, renforçant ainsi la normalisation de ce parti et la possibilité d’accords avec lui – comme cela a eu lieu dans d’autres pays européens.
Mais réduire ce courant de l’UMP à cette seule dimension de passerelle avec le FN serait une erreur. L’écho que ses propositions rencontrent et l’espace médiatique qu’il s’est construit expriment quelque chose de plus profond. L’analogie tracée par de nombreux journalistes avec le mouvement Tea Party aux États-Unis n’est pas qu’un effet de style. Dans les deux cas, nous avons affaire à une frange de la droite qui se radicalise et qui par bien des aspects, pense pouvoir en finir avec les derniers acquis sociaux. Les rodomontades de la Droite populaire contre la grève, contre le vote des étrangers ou encore contre le collège unique par exemple, tracent des perspectives relativement claires. Il s’agit d’aller au-delà du programme posé par Kessler en 2007 : non plus seulement défaire le programme du Conseil national de la Résistance, mais bien mettre fin à l’ensemble des acquis du mouvement ouvrier, en reconstruisant les structures sociales sur une base nationale pour en finir avec toute perspective de classe. L’émergence du Tea Party aux États-Unis a ainsi été marquée par l’une des plus violentes attaques contre les droits syndicaux depuis l’ère Reagan. Les « trublions » de ce collectif sont donc plus que des francs-tireurs : ils expriment de façon indirecte une partie des débats qui agitent l’oligarchie française. Rien n’est mécanique ni tranché, mais ils indiquent la disponibilité d’une frange de la bourgeoisie à une solution autoritaire à la question sociale que les développements de la crise font mûrir. Petit à petit est en train de se dessiner une variante française des blocs populistes qui ont émergé dans un certain nombre de pays européens. Tout en recyclant les vieilles rengaines de l’extrême droite et en leur donnant un écho qui dépasse le FN lui-même, ils préparent de nouvelles offensives contre l’ensemble du mouvement social, mais avec une stratégie rénovée. S’il ne faut pas surestimer la menace, l’ensemble des composantes du mouvement ouvrier doit prendre la mesure de la situation et se préparer à des confrontations d’ampleur !