Publié le Jeudi 5 avril 2012 à 16h53.

100% antisocial

Peu de présidents de la République et de gouvernements ont mené autant de contre-réformes sociales sur une mandature.

Retraites  Les réformes successives des retraites menées depuis 1993 représentent une des attaques majeures contre les conditions de vie des salariéEs. Après les réformes Balladur portant à 40 annuités le nombre d’années de cotisation nécessaire dans le privé, puis celle de Fillon de 2003 alignant les fonctionnaires sur cette durée de 40 ans, la réforme de Sarkozy-Fillon-Woerth constitue un recul encore plus grave. Le recul de l’âge auquel le salarié peut partir à la retraite à taux plein passe de 65 à 67 ans, pendant que l’âge légal de départ est porté de 60 à 62 ans. Le durcissement des conditions de départ anticipé pour travail pénible et l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation à 41,5 années dès la génération née en 1955 aggravent encore les dispositions initiales. Si tous les salariés sont frappés, les femmes le sont encore plus gravement avec des niveaux de pensions inférieurs de plus de 40  % à celui des hommes. Une programmation systématique du recul social est ainsi gravée dans la loi, pour réduire le niveau des pensions et offrir ainsi un « marché » juteux aux assurances privées.Droit du TravailPour Sarkozy il n’y a rien de plus important que de rendre service à Laurence Parisot laquelle pense que « la liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail » ! Méticuleusement, le gouvernement s’est acharné à remettre en cause un siècle de droit social inscrit dans le code du travail. Depuis la loi relative à la « modernisation sociale » (2008), de multiples lois et décrets ont entamé les règles relatives à la durée du travail : convention de forfait, multiplication des possibilités d’accords dérogatoires, travail du dimanche. La dernière forfaiture doit permettre qu’un accord d’entreprise signé par un ou plusieurs syndicats représentant plus de 30 % des salariéEs, sans opposition d’un ou plusieurs syndicats en représentant plus de 50 %, puisse modifier la durée du travail, la rémunération de tous les salariéEs. Ces dispositions s’imposeraient à tous les salariéEs sans possibilité de recours. Il s’agit d’une étape décisive dans la mise en cause de la hiérarchie des normes1 et dans le dessaisissement du pouvoir législatif au profit du l’accord d’entreprise, voire du contrat individuel. Le dispositif est complété par la mise en place de la rupture conventionnelle qui affranchit l’employeur de toute justification d’un licenciement, de mise en place d’un Plan de sauvegarde de l’emploi et permet de se débarrasser à moindres frais des « seniors », pour lesquels ce dispositif concerne près de 20 % des départs contre 13 % pour l’ensemble des salariéEs.La libéralisation des heures supplémentaires allie une plus grande liberté dans la gestion patronale du temps de travail à l’allègement des cotisations sociales. Augmentation des contingents annuels d’heures supplémentaires et réduction des repos compensateurs vont ainsi de pair avec l’exonération de cotisations sociales qui a supprimé 4,2 milliards d’euros dans les caisses du système de Sécurité sociale et près de 500 000 emplois.Droit de grève  Pour faire entrer dans la réalité sa fameuse déclaration : « désormais, quand il y une grève, personne ne s’en aperçoit », Sarkozy préfère prendre les devants et s’attaquer au droit de grève. Dès 2007, le service minimum dans les services publics impose à la fois des délais de prévenance et de déclaration des grévistes et l’organisation de services censés maintenir le service rendu aux usagers. Cela étant insuffisant, le gouvernement est passé à la réquisition des grévistes dans les raffineries lors de la mobilisation s’opposant à la contre-réforme des retraites de 2010, avant d’élargir les préavis de grève et les obligations de service minimum dans le transport aérien en ce début d’année 2012.Médecine du Travail  À la frontière du droit du travail et de la santé publique, la médecine du travail n’a pas été épargnée par les attaques sarkozystes. Enfonçant régulièrement le clou de la dénonciation des salariéEs qui abusent des arrêts maladie ou de la fraude à la Sécu, le gouvernement essaie de masquer toujours plus la pénibilité du travail, les risques professionnels. La progression fulgurante des maladies professionnelles ne doit occulter ni la pénibilité du travail qui existe encore malgré les progrès techniques ni ses nouvelles formes liées à la pression exercée sur toutes et tous par les exigences de la productivité et de la rentabilité. Non seulement les accidentéEs du travail sont culpabiliséEs, mais ils sont aussi pénaliséEs financièrement par l’imposition des indemnités journalières et leur plafonnement. Dans le même temps, la médecine du travail, déjà remise en cause par l’absence de reconnaissance, de formation spécifique et de moyens, est attaquée de front : allongement de l’intervalle entre les visites médicales professionnelles obligatoires à deux ans (au lieu d’un) et gouvernance des services de santé et sécurité au travail assurée par un conseil d’administration  « paritaire » sous présidence patronale.FemmesLes proclamations maintes fois répétées sur la nécessité de faire avancer l’égalité hommes/femmes sont contredites par une série de mesures allant à contresens de ces affirmations et par l’échec des quelques mesurettes proposées dans les entreprises. La course à la rentabilité de l’hôpital entraîne la fermeture des centres d’IVG, rendant toujours plus difficile l’accès à l’avortement dans plusieurs régions. Partout où les droits et moyens sociaux sont révisés à la baisse, les femmes en sont les premières victimes : petite enfance lorsque l’ouverture de places en crèche reste lettre morte ; emploi avec le développement des temps partiels ; salaires avec un différentiel stagnant autour de 25 % en moyenne malgré les nombreuses lois votées année après année ; retraites avec un écart de 40 % ; violences faites aux femmes alors que la loi de juillet 2010 attend toujours les moyens de son application.Santé : la privatisation en ligne de mireTVA antisociale, franchises médicales, augmentation et taxation des mutuelles, « loi Bachelot », déremboursement des médicaments, remise en cause de la prise en charge à 100 % des maladies longues et coûteuses, loi sécuritaire sur la psychiatrie… : les cinq années qui viennent de s’écouler ont été des années d’attaques incessantes contre l’hôpital public, et l’assurance maladie. Retraites et maladie : l’offensive a été convergente contre ces deux branches de la Sécurité sociale.  Les effets de cette politique sont de plus en plus visibles sur le terrain : se soigner coûte de plus en plus cher, et un quart de la population renonce à des soins pour des raisons financières. Les services d’urgences des hôpitaux sont débordés. Trouver un lit pour un malade devient le casse-tête permanent des personnels, alors que l’on continue de fermer des services et des hôpitaux de proximité. Faute de généralistes et de services hospitaliers, on parle désormais de véritables « déserts médicaux ». Enfin la remise en cause xénophobe de l’aide médicale d’état attaque le droit de tous à accéder aux soins.On passe ainsi d’un « droit à la santé » (reconnu à tous) à la possibilité de se soigner ou pas, en fonction de ses revenus et de son lieu d’habitation, de sa nationalité. Baisser le coût du travail, casser la solidaritéReportée pendant cinq ans, décidée à la veille des élections, la TVA antisociale est sans doute la mesure la plus révélatrice du « big bang » de la Sécurité sociale préparé par Sarkozy. Aujourd’hui la TVA va remplacer les cotisations patronales pour financer les allocations familiales ; demain ce sera le tour de la santé et des retraites.L’enjeu ? Les 500 milliards de cotisations sociales, dont les patrons veulent s’affranchir, pour baisser le « coût du travail »… et accroître d’autant la part des profits ! La Sécurité sociale ne serait plus l’affaire des employeurs, mais celle des salariés qui en financeraient l’essentiel par des impôts indirects (taxes). Cette « sécurité sociale » ne serait plus qu’une couverture minimum. Il faudrait alors, en fonction de ses moyens, la compléter par des assurances. Celles-ci ne seraient plus des couvertures « complémentaires ». Elles auraient le rôle principal dans le remboursement des soins. Face à la baisse des pensions, et au remboursement insuffisant des soins, AXA, Groupama ou autres Médéric multiplient déjà les offres sur un marché en pleine expansion.L’hyper président n’a toutefois pas réussi à mettre en place l’une des pièces maîtresses de ce dispositif : la « dépendance ». C’était pourtant l’un de ses « grands chantiers » : sous couvert de « cinquième risque »,  imposer à partir de 50 ans l’adhésion obligatoire à une assurance privée. Partie remise s’il est réélu !Après cinq ans de présidence Sarkozy, tout est en place pour la privatisation de la Sécu et de l’hôpital. Mais nous avons encore beaucoup plus à défendre que nous n’avons perdu : l’attachement justifié qui subsiste à la « sécu » et à l’hôpital dans les classes populaires en témoigne. La feuille de route de Sarkozy est déjà tracée, mais Hollande ne propose que quelques aménagements marginaux aux contre-réformes libérales. Afin de préparer dès aujourd’hui les mobilisations indispensables, le NPA est partie prenante du collectif « Notre santé en danger » qui, avec 120 associations, comités, syndicats, partis interpelle l’ensemble des candidats avant les élections et prépare les luttes indispensables pour le droit à la santé. o 1. Aujourd’hui, en fonction de ce principe juridique, un accord de branche ou d’entreprise ne peut comporter des dispositions qui soient moins favorables aux salariés que la loi.

Jean-Claude Laumonier, Robert Pelletier