Rien n’était joué d’avance. Les indicateurs étaient au rouge. L’information nous était parvenue que les sionistes préparaient une intervention à l’intérieur de la librairie. Mais l’équipe indomptable des libraires a maintenu l’initiative avec le soutien des militantes.
La rencontre avec Houria Bouteldja, Françoise Vergès et Maxime Benatouil (Tsedek!) autour de leur livre collectif Contre l’antisémitisme et ses instrumentalisations s’est bel et bien tenue. Ce fut un franc succès. Plus de 140 participantes, des dizaines de personnes n’ont pu rentrer.
Quand le pouvoir colonial déshistoricise l’antisémitisme
Sous l’œil acéré de Thierry Labica qui animait la discussion, chaque intervenantE est revenuE sur le contexte d’écriture de ce livre collectif et les analyses qui le sous-tendent. Au cœur de la discussion : la crainte de voir le pouvoir colonial déshistoriciser l’antisémitisme pour en faire une caractéristique de la gauche et des mondes islamiques, réussissant dans la même opération à dédouaner l’extrême droite et les nationalismes européens du génocide et des persécutions des juifs, à faire taire toute critique d’Israël – le meilleur allié des impérialistes au Moyen-Orient – et à renforcer l’agenda islamophobe du choc des civilisations.
Le baiser de la mort
Le plus pervers dans cette instrumentalisation, c’est qu’elle continue de produire les Juifs comme une essence hors de l’histoire, séparée de la communauté nationale censée les protéger contre la menace représentée par la gauche et l’islam. Cette instrumentalisation à des fins islamophobes est pour les juifs et les juives un véritable baiser de la mort, puisqu’elle les désigne comme favorisés auprès des autres populations non-blanches créant le terreau du développement d’un antisémitisme d’en bas, mais aussi parce que l’islamophobie et l’antisémitisme participent d’une même logique, le développement de l’un entraînant l’essor de l’autre. Mettre en échec ce projet ne peut se faire qu’avec une politique antisioniste qui dégage les différentes judéités du projet sioniste et restaure leur pluralité. La discussion a eu pour principal mérite de réunifier la lutte contre l’antisémitisme et la lutte contre le système raciste et colonial.
Échec pour le collectif « Nous vivrons »
Pendant ce temps-là quelques dizaines de sionistes manifestaient non loin. La police s’était déplacée pour faire tampon (dommage...). À l’entrée filtrage, ouvertures des manteaux et de sacs, le service de sécurité unitaire dirigé par le NPA-l’Anticapitaliste et rassemblant presque 60 personnes était imposant... et décourageait toute action à l’intérieur. L’échec pour le collectif « Nous Vivrons » a été total. C’est une démonstration pour notre organisation à la fois en termes d’autodéfense, d’ouverture aux autres courants et de détermination à faire exister une orientation anticolonialiste et antiraciste, donc antisioniste.
La Brèche