Publié le Mardi 30 décembre 2014 à 07h37.

Droit de vote des immigré-e-s : Plus que jamais, (re)lancer le débat

Dans son discours – creux – de la Cité de l’immigration, le président de la République, se sachant très attendu sur la question du droit de vote, l’a affrontée courageusement... pour mieux botter en touche !

Au lendemain de son élection, Hollande a fait une subite découverte selon laquelle « rien ne peut se faire sans une révision de la Constitution, ce qui suppose, dans notre droit, une majorité des 3/5 au Parlement ». Damned ! Et de préciser : « C’est-à-dire l’accord de toutes les forces républicaines » (comme le FN, puisque, semble-t-il, l’entrée au Parlement suffit à faire de vous une « force républicaine »...). Par dessus, sa touche personnelle : « J’y suis pour ma part favorable » (bien le moins de la part de celui qui en avait fait une proposition de campagne !) et conclusion immédiate : « à elles [les forces républicaines] de prendre leurs responsabilités ».

La balle est donc dans le camp des dites forces... Et pas seulement pour décider si des hommes et des femmes qui vivent au quotidien avec nous, qui travaillent, cotisent, et paient leurs impôts (ne serait-ce que la TVA) ont leur mot à dire sur la vie de la cité, mais également pour décider s’il y aura au moins débat, et dans quels termes. En viendra-t-on à laisser cette digne représentante des « forces républicaines » qu’est la députée Marion Maréchal-Le Pen « prendre ses responsabilités » en proposant en temps et en heure un référendum du type : « acceptez-vous que les étrangers puissent voter pour la désignation des représentants du peuple français » ?

Dépasser l’actuel climat nauséabond...

Un référendum, les forces démocratiques auraient pu le gagner si, au lendemain de la présidentielle, on avait posé la question aux Français dans les simples termes de la proposition à laquelle ils venaient implicitement de souscrire en votant pour Hollande.

Mais ça, c’était avant, avant qu’à coup de frustrations accumulées au gré d’une politique obstinément antisociale, la gauche de gouvernement n’ait passé la main aux identitaires ! Car s’il est permis de s’interroger sur les conditions de réalisation de sondages qui en témoignent, on doit considérer leur caractère performatif : en faisant régulièrement passer pour majoritaires des positions nauséabondes, ils contribuent à les légitimer et incitent les hésitants à s’y rallier. D’où l’actuel climat.

Dans ces conditions, ces forces démocratiques ne doivent rien lâcher. Rassemblées, elles doivent lancer le débat en en choisissant les termes, le lieu et le moment. C’est ce qu’ont fait par exemple à leur échelle les « Sans-voix » par leur campagne active dans le 18e arrondissement de Paris pour une liste comportant pour moitié des étrangers, bien entendu vouée à être pour cette seule raison invalidée : une belle leçon de démocratie !

Le NPA marque sa singularité par la revendication du droit de vote à toutes les élections, puisque c’est bien l’ensemble des élections qui décident des conditions de vie des résidentEs. En refusant de lier citoyenneté et nationalité, nous nous opposons à l’injonction d’intégration, voire de naturalisation, si chère par exemple à Manuel Valls. Et surtout en exigeant le droit de vote pour les extra-communautaires, nous faisons front contre ce que l’on doit bien appeler une politique de la race, puisque, dans la mesure où les communautaires ont déjà le droit de vote, il n’est pas besoin de faire un dessin pour comprendre du droit de vote de qui il est en réalité question, même si ce point reste cantonné dans le domaine du non-dit, voire de l’impensé...

Dans le contexte actuel, c’est pourtant une question cruciale.

François Brun