Ce vendredi 10 avril, tous les salariéEs du salon de coiffure afro du 57 boulevard de Strasbourg, en lutte depuis 10 mois pour obtenir la reconnaissance de leurs droits, contre leur surexploitation et des conditions de travail indignes (cf. interview dans l’Anticapitaliste n°256) se sont enfin vu remettre un récépissé valant autorisation de travail. Cet événement est l’épilogue d’une lutte obstinée qui se conclut donc par une belle victoire.
Succès exemplaire : d’abord parce que la volonté de ne rien lâcher a su s’affirmer dans la durée, l’émancipation des salariéEs, en grève avec occupation jour et nuit du lieu de travail depuis mai 2014, est passée par leur prise en main directe des rênes de la lutte, en dépit de leur extrême vulnérabilité au départ. Cette fois, l’autonomie n’a pas été un vain mot.Exemplaire également au regard de l’intimidation et de la violence, allant jusqu’aux menaces de mort, auxquelles les travailleurEs, ainsi que certains de leurs soutiens les plus en vue, ont été confrontéEs. Ce qui renvoie à une autre caractéristique de ce conflit : les pratiques proprement (si l’on peut dire !) mafieuses du patronat du secteur. Des employeurs esclavagistes qui n’en bénéficiaient pas moins de la bienveillance de la préfecture et d’un gouvernement donneur d’ordres qui, en ne se résignant pas à régulariser toutes les situations, avait jusqu’à présent couvert de fait ses exactions. Racisme d’État oblige... le Droit dût-il être passé par pertes pour les uns et profits pour les autres !L’un des mérites de cette lutte a d’ailleurs été de parler sans ambages d’employeurs « mafieux » et de « traite des êtres humains » puisque telle était la réalité, notamment en matière de conditions de recrutement. Bien plus, une plainte a été déposée à ce titre en août 2014, l’essai devant être transformé par l’aboutissement de cette plainte.
Une victoire qui ne doit pas être sous-estiméeSur le front de l’antiracisme d’abord, car, bien loin d’être concurrents, les combats pour la régularisation de tous les sans-papiers : pour la libre circulation et la libre implantation des êtres humains ; contre l’islamophobie, l’antisémitisme que par contrecoup elle ravive, et le racisme antiroms ; contre les contrôles au faciès et toutes les discriminations ; contre, plus généralement, la politique de la race, d’essence coloniale, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des frontières et, ici, contre le travail dissimulé et pour le plein droit des travailleurs étrangers ne sont que les multiples faces d’un même combat, contre tous les racismes.Sur le front de l’entreprise ensuite : dans un pays frappé par une macronite aiguë, cette issue heureuse d’un conflit du travail particulièrement dur devrait être un encouragement pour tous les travailleurEs déterminés à faire valoir des droits que l’actuel gouvernement tente – c’est peu dire – d’écorner. Les syndicats – tout particulièrement l’UD 75 de la CGT, mais aussi Solidaires et, in fine, la confédération CGT qui, d’abord réservée, a fini par mettre tout son poids dans la balance –, ne s’y sont pas trompés, pas plus que les orgas et un certain nombre d’éluEs qui se sont joints à un bel engagement unitaire.Enfin n’oublions pas que les professionnels de la coiffure et manucures du boulevard de Strasbourg sont principalement des femmes.Avancée antiraciste, féministe, contre des patrons voyous. Un parti anticapitaliste ne peut que s’en réjouir !
François Brun