Ils poussent des cris d'orfraie quand nous parlons de « rafles ». Comment osons- nous ? Les rafles, c'était « les heures les plus sombres de notre de notre histoire » (violons) en remontant à 1942 pour les uns ou, du bout des lèvres, à 1961 pour les autres... Pourtant, comment qualifier autrement ce qui s'est passé le 6 juin à Barbès (Paris 18e) ? Car dans le langage courant, une rafle n'est rien d'autre qu'une opération policière d'interpellation et d'arrestation de masse visant, à l'improviste, une population particulière. Exactement ce dont ont été victimes les immigrés qui ont eu le malheur de se trouver au mauvais moment au mauvais endroit.
Une centaine de CRS se sont soudainement déployés ce jour-là dans le quartier de Barbès-la Goutte d'Or, pour une brutale opération de contrôle qui visait essentiellement à embarquer en un temps record le maximum de sans-papiers. Et cela bien entendu sur les ordres du ministre Valls qui, dans le même temps, exprime hypocritement le plein engagement du gouvernement contre les bandes fascistes racistes et criminelles.
« Nationalité : étranger »...
Témoignage parvenu, le lendemain, du centre de rétention de Vincennes : « Les flics nous ont traités comme des terroristes (...) ils ont encerclé Barbès et ils contrôlaient « au visage », tous les Arabes, les Noirs (...) Ils gueulaient après tout le monde dans la rue. Il y a des gens, ça fait 10 ans qu’ils sont ici et ils n’avaient jamais vu ça. (…) On a risqué notre vie sur un bateau, on est passés par Lampedusa et ici il n’y a pas de liberté. On a cru qu’on était en Tunisie. On n’ a pas de problème avec les gens ici, on a un problème avec les flics. Ensuite ils nous ont amenés au commissariat de Clignancourt, on était 40 dans une cellule et on ne pouvait pas respirer. Et si on protestait, les flics disaient : « Ferme ta gueule. Pourquoi vous êtes venus ici, Restez chez vous ! ».
La rafle va durer environ 2 heures. La virée tourne parfois au grotesque : des touristes se font même embarquer ; lors du passage devant le tribunal, le juge des libertés et de la détention fera libérer des sans-papiers pour lesquels un policier mal avisé aura rempli le formulaire d'interpellation sans mentionner la nationalité … ou en inscrivant « nationalité : étranger » !
Cela n'empêche pas que dans l'attente des appels (tant des sans-papiers que de la Préfecture), on ne sait pas combien d'étrangers « en situation irrégulière » figureront finalement cette fois au tableau de chasse de Manuel Valls.
François Brun