Publié le Jeudi 28 septembre 2017 à 21h53.

Migrants : Grève de la faim au CRA de Bordeaux

Certains vivent et travaillent en France depuis des années, comme ce kurde irakien, restaurateur à Limoges depuis dix ans, d’autres viennent d’arriver. Ils sont venus d’Afrique (Maghreb, Sénégal, Angola, Guinée), d’Afghanistan, d’Albanie ou d’Irak. Dans tous les cas, ils ont subi et fui des horreurs. Ne bénéficiant pas d’un titre de séjour, ou ayant été déboutés du droit d’asile, ils ont été arrêtés, généralement en allant au commissariat ou à la préfecture, menottés et conduits au CRA. On se souvient de l’épisode précédent où au début de l’été, des migrants « dublinés » étaient enfermés pour être renvoyés en Italie, qui du reste n’en voulait pas et leur conseillait de revenir en France ! Une autre catégorie de migrants les remplace, la rétention administrative reste une des façons ordinaires par laquelle l’Etat gère les choses !

Face à cette situation, sur les 16 internés (plus les 2 hospitalisés après tentatives de suicide), 7 décident  d’entamer une grève de la faim à partir du 23 août, publiant un texte qui dénonce leur enfermement et le refus de régularisation à leur encontre. Un collectif d’associations (dont RESF, l’Asti, la Cimade, Médecins du Monde, la LDH…) a appelé à manifester devant le CRA le 29 août. De son côté, la Cimade fait venir le député FI, Loïc Prud’homme, pour s’entretenir avec les grévistes. La presse locale a bien relayé cette intervention. Mais le préfet, que le député pensait rencontrer, botte en touche : le maintien en détention n’est plus de son domaine, cela relève du juge des libertés ! Autrement dit, ce n’est plus une question politique, simplement judiciaire et administrative ! Le 3 septembre, les détenus ont décidé d’arrêter leur grève de la faim, considérant néanmoins qu’ils ont été entendus. A cette heure, rien n’a évolué positivement, malgré la tentative d’immolation de l’un d’entre eux ! Mais on l’a dit, la justice suit son cours…

 

 

INSOUMIS, encore un (gros) effort pour être internationalistes !

Que le député de la FI, un des rares, sinon le seul, soit venu au CRA rendre visite aux grévistes de la faim est tout à fait positif. Cela aura donné une visibilité médiatique, à défaut de changer dans l’immédiat le sort des internés. Mais pour beaucoup de présents au rassemblement, le discours était comme décalé. Commencer par dire que l’on ne peut accueillir tous les réfugiés plombe l’ambiance ! Encore plus quand on sait qu’en 2016, sur les 30 000 migrants que la France devait « accueillir », il n’y en a eu que 6000 ! Dire que certains dossiers semblent mériter un réexamen… et les autres ? Ces personnes n’ont tout simplement rien à faire au CRA ! Proposer l’assignation à résidence pour plus d’humanité ? Tant qu’à parler d’humanité, c’est l’accueil sans réserve de ces gens qu’il faut mettre en avant. Et non accepter de criminaliser le fait d’être migrant !

Dernière remarque du député : « c’est un lieu de privation de liberté, mais pas une prison… » Nous conseillons la lecture du rapport du contrôleur des lieux de privation des libertés en 2015 : « les locaux du centre de rétention de Bordeaux sont intrinsèquement inadaptés à leurs fonctions : la localisation en sous-sol […] et la consistance de la « cour de promenade » […] rendent les conditions de rétention indignes […] ».

La bonne volonté, la sincérité, les bons sentiments tant qu’on y est, ne suffisent pas ; il y a des présupposés politiques qui ne pardonnent pas : une vision souverainiste, pour qui le migrant reste un étranger et non un frère de classe ; une position gestionnaire affichée : « si les gens au pouvoir […] ne savent pas faire autrement, qu’ils laissent la place ! On saura gérer 0,2% des gens qui arriveraient… » (voir l’article de Rue 89 Bordeaux du 30 aout). Pas sûr que la gestion FI changerait radicalement la question des migrants. Peut-être plus d’humanité pour en renvoyer en enfer !

 

Manifestations de soutien aux demandeurs d’asile tout l’été à Bordeaux

Les différentes associations qui se mobilisent de plus en plus pour les demandeurs d’asile avaient décidé de maintenir la pression durant les mois de juillet et d’août en organisant tous les mercredis, place Camille Julian et place St Projet, une présence avec banderoles, tracts, discussions. Trois thèmes étaient abordés :

  • Respect du droit pour tout demandeur d’asile d’être hébergé et de recevoir l’allocation pour demandeur d’asile.
  • Respect du droit pour les mineurs isolés d’être mis à l’abri, bénéficier d’un suivi médical, éducatif et être scolarisés.
  • Demande d’asile en France : examen par la France.

Ces mobilisations qui ont duré tout l’été, avec un nombre de participants non négligeable, ont été très bien accueillies ; ce qui, encore une fois, permet de mesurer le grand écart entre les perceptions de la population en général et les positions de la plus grande partie de la classe politique. Ce n’est pas inintéressant de le constater en ces périodes.

Jean-Louis Farguès