Publié le Vendredi 2 avril 2021 à 11h33.

Presse magazine : « Science et vie » à la dérive

Neuf journalistes quittent la rédaction de Science et vie. Un départ actant leur refus de la dégradation éditoriale imposée au nom de la rentabilisation à outrance par le groupe Reworld Media.

Depuis cent ans, le magazine Science et vie propose un traitement et une vulgarisation compétente de l’information scientifique. Bien sûr, la rigueur exigée dans ce domaine a un coût pour le titre de presse : une rédaction suffisamment nombreuse avec des journalistes de haut niveau et parfaitement indépendants de tout pouvoir économique, politique ou scientifique.

Cette exigence n’a pas tardé à entrer en collision avec les projets et les méthodes du nouveau patron, le groupe Reworld Media. 

La rentabilité à tout prix

Comment conserver voire améliorer ses résultats d’exploitation dans le nouveau contexte économique marqué par la perte du lectorat sur le papier, l’éparpillement des recettes publicitaires et leur baisse de rendement sur le numérique ? Reworld a ses recettes.

Depuis qu’il a acquis les titres français du groupe italien Mondadori, Reworld n’a remplacé que moins de 20 % des journalistes partis à l’occasion de la cession.

Ce vrai-faux éditeur a grandement recouru à l’externalisation de larges parties des magazines auprès par exemple d’agences dites « de presse ». Ces dernières sous-traitent à leur tour à des prestataires soumis à toutes les pressions pour réduire les coûts. La qualité de journalistes de ces opérateurs restant à démontrer. La précarité des conditions de travail et de rémunération des personnels concernés ferait passer les pigistes « classiques » pour des privilégiés…

Sur le numérique, la logique est celle d’une course à l’audience pour maximiser les revenus publicitaires au détriment de la qualité de l’information.

C’est ainsi que la rédaction de Science et vie a perdu le contrôle éditorial du site science-et-vie.com. Ce sont désormais des « responsables d’audience » et des « chargés de contenus » qui sont en charge de maximiser le nombre de clics… 

Mélange des genres 

Se débarrasser ainsi des journalistes, c'est se libérer de la convention collective, des grilles de salaires, des règles déontologiques régissant formellement la profession. C'est pouvoir estomper les frontières entre information, communication, publireportages, publicité plus ou moins masquée.

Pour les journalistes de Science et Vie, la situation devenait insupportable. La matière scientifique ne se prête en aucune manière à cette confusion des genres.

Dans ce contexte, on peut s'étonner de l'inertie des pouvoirs publics. Le statut d'entreprise de presse emporte toute une série d'aides directes ou indirectes : plafonnement de certaines cotisations sociales, taux de TVA réduit, ristourne sur les tarifs postaux… Reworld Media mérite-t-il ce traitement particulier ? Ce groupe est-il vraiment une entreprise de presse ? Le départ des journalistes de Science et vie apporte une réponse évidente.