La plupart des commentateurs identifient bien les causes conjoncturelles de la crise de l’élevage : les éleveurs français, non compétitifs sur un marché mondialisé de la viande et du lait, sont condamnés à vendre à perte !
Le rapport de forces avec la grande distribution, les abattoirs et les transformateurs leur est défavorable, les concurrents allemands et hollandais sont plus gros, plus « modernes ». Les coûts salariaux sont d’autant plus élevés en France que les autres pays européens n’hésitent pas à faire appel à des salariéEs détachés. Enfin, les aides sont mal réparties entre céréaliers et éleveurs. Mais à part quelques voix dissidentes comme celle de la Confédération paysanne, personne pour remettre en cause le système agricole et l’agro-industrie auxquels les éleveurs sont sommés de s’adapter pour survivre.
La FNSEA a été prise de court par la base, ces petits éleveurs qu’elle n’a jamais défendus. Son patron, Xavier Beulin, qui s’est battu lors de la négociation de la nouvelle PAC (politique agricole commune) pour défendre ses avantages – et en est l’un des plus gros bénéficiaires – n’a aucune légitimité pour parler aujourd’hui en leur nom.
Un gouvernement impuissant
Ce gouvernement a trouvé 600 millions d’euros… pour débloquer les routes. Mais son plan de 24 mesures ne résout aucun problème, si ce n’est de sauver – temporairement –quelques-uns de la faillite grâce à des baisses ou annulations de charges ou d’impôts.
Pour l’avenir, il compte faire la promotion des productions françaises – en faisant fi des règles communautaires qui interdisent les critères géographiques mais en invoquant de prétendues caractéristiques propres à la France – et favoriser les exportations, en incitant les pays du pourtour méditerranéen à acheter français, à commencer par la Grèce en y dépêchant Harlem Désir...
Des aides sont prévues pour la méthanisation à grande échelle : sous couvert de sauver les petits éleveurs et de transition énergétique, le modèle de la ferme-usine des mille vaches est pris comme référence. La simplification des réglementations va aussi faciliter les grands élevages. Environnement et salariéEs seront moins protégés, avec des contrôles sur pièces et non plus sur place, tant pour les cotisations sociales que sur les nitrates. Ce gouvernement invoque la transition énergétique pour mettre en avant la production locale... et la bafoue pour favoriser les exportations !
Une autre agriculture est possible
Industrialisation et malbouffe vont de pair, pour les « pauvres » bien sûr ! Le progrès n’est pas de manger de la viande farcie d’antibiotiques et de Roundup (même le label « fermier » permet les aliments à base de soja OGM), d’acheter un steak qui rapetisse de moitié dans la poêle, de manger 4 fois plus de produits laitiers qu’en 1960... s’ils sont tous fabriqués à partir de poudre de lait, d’augmenter la production agricole au détriment de la qualité des eaux et de l’environnement. Quand le seul critère est celui du prix, la qualité est toujours perdante. Pourtant un autre système est possible.
De nombreux paysans tentent un système alternatif de distribution (vente directe à la ferme ou sur les marchés, AMAP) ou de production (bio, fermes auto-suffisantes). Loin d’être une régression, les solutions qu’ils développent sont d’une grande technicité.
Il est plus facile de garder ses bêtes en stabulation, d’acheter l’aliment, oubliant que les ruminants sont des herbivores – et pas des granivores –, et de gérer les problèmes sanitaires à coup de médicaments, que de gérer ses pâturages et d’assurer le bien-être de ses bêtes pour qu’elles restent en bonne santé. Il est aussi plus facile de nourrir les plantes à coup d’engrais que de maintenir la fertilité des sols.
L’agro-industrie doit être mise hors d’état de nuire
Mais les deux systèmes ne sont pas compatibles. Il faut mettre hors d’état de nuire l’agriculture industrielle qui détruit les sols, l’eau et la biodiversité, et lui substituer une agriculture autosuffisante et réellement agroécologique. Une agriculture jouant un rôle moteur dans la lutte contre le réchauffement climatique, en cessant d’émettre des gaz à effet de serre et en stockant du carbone, au lieu de participer à la surchauffe par le dégagement du carbone du sol, les émanations de protoxyde d’azote, l’utilisation d’intrants chimiques, les transports d’aliments à l’échelle planétaire.
Pour sauver la planète et le climat, l’agro-industrie doit être mise hors état de nuire. Il faut reprendre le contrôle de son bras armé, le Crédit agricole, et les paysans doivent se réapproprier les coopératives. Mais pour cela, il faut aussi affronter ce gouvernement.
Commission nationale écologie