Publié le Lundi 27 février 2017 à 07h10.

Libérer l’agriculture de l’étau du capital

Les manifestations des éleveurs ont mis en lumière la dégradation du revenu des agriculteurs, ce qu’a confirmé la publication des comptes de l’agriculture pour 2016. D’où vient cette situation ?

Les paysans sont des travailleurs indépendants, ils se rémunèrent sur les bénéfices de l’exploitation, c’est-à-dire sur la vente de leur production diminuée des charges. Or ces dernières augmentent alors que les prix sont tirés à la baisse, sans que cela profite aux consommateurs car la valeur ajoutée est captée par les industries de transformation et la grande distribution. On peut donc avoir des marges négatives. Certains ne peuvent plus rembourser leurs emprunts ni payer leurs cotisations sociales. Au mieux le revenu du conjoint salarié fait vivre la famille.

Le revenu agricole repose aussi sur les aides nationales et européennes qui souvent constituent le seul « salaire » quand elles ne sont pas saisies par les fournisseurs et les banquiers. Ces aides, qui totalisent des sommes énormes, représentent une rente de situation pour quelques milliers de gros exploitants quand la majorité ne reçoit que des miettes.

Les cessations d’activité, les suicides, on en parle de plus en plus, mais que font réellement les pouvoirs publics ?

Il y a les larmes de crocodile sur la misère agricole et les faits. Quand ça chauffe trop, les pouvoirs publics décrètent des mesures d’urgence pour assurer un peu de trésorerie, en général des aides financières et des reports d’échéances. C’est indispensable car on ne peut pas laisser crever les gens, mais ça ne résout rien à terme puisqu’on ne s’attaque pas aux deux questions de fond, le niveau des prix et le surendettement.

Les éleveurs de porc ont demandé un prix minimum garanti. Le gouvernement s’est déclaré favorable mais a capitulé devant l’opposition des principaux opérateurs (dont une coopérative). Même chose pour le lait, le groupe Besnier impose sa loi. Le ministère de l’Agriculture est aussi celui de l’agroalimentaire, au service des industriels plutôt que des paysans !

Présidée par un agro-industriel, la ­FNSEA tente de détourner la colère contre les « charges » et les « contraintes ». Préconisant comme le gouvernement la « compétitivité » et la « vocation exportatrice », soit davantage de concentration et d’endettement, elle enfonce les agriculteurs.

D’autres producteurs ont choisi de travailler différemment : l’agriculture biologique, la vente directe et les circuits courts. N’est-ce pas une solution ?

L’essor de modes de production moins polluants procurant une alimentation saine et savoureuse est à saluer. La vente directe, la transformation sur place permettent de récupérer de la valeur ajoutée, et maîtriser son travail est plus agréable que d’être tenu en laisse par les capitalistes.

Mais il y a des obstacles à la généralisation. Le pouvoir d’achat en berne des consommateurs cantonne souvent le bio et les produits de qualité à des marchés de niche. Les petites structures de proximité ont disparu : moulins, abattoirs locaux, laiteries, ateliers de transformation. Il manque des petits commerces et des marchés paysans dans les zones urbaines où vit la majorité de la population. Il faut reconstituer ce maillage, pas sous les formes anciennes où des intermédiaires s’engraissaient, mais avec des coopératives à dimension humaine, appartenant réellement aux producteurs. L’expérience des collectivisations pendant la révolution espagnole vaut d’être étudiée.

Que propose le NPA ?

Aujourd’hui des hommes et des femmes s’épuisent au travail et n’en tirent même pas le Smic, leur protection sociale est insuffisante et leur retraite dérisoire. Quel jeune voudrait s’installer dans de telles conditions ? Nous proposons un revenu garanti pour chaque actif agricole, indépendamment des aléas de la production et des marchés. L’importance de l’agriculture dans l’alimentation, la santé publique, la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire justifie cette rémunération. Les normes sanitaires et environnementales ne doivent plus être vécues comme des contraintes mais comme des nécessités générant certes du travail, mais du travail payé. Contre le surendettement, nous proposons la réduction et même l’effacement des dettes quand les banquiers se sont bien gavés.

Cela passe par un plafonnement et un redéploiement des aides publiques, ainsi que des subventions qui ne doivent plus aller aux mégaprojets mais aux initiatives de terrain favorisant la transition écologique.

Il faut desserrer l’étau du capital. Nous n’y parviendrons vraiment qu’en socialisant les groupes de l’agroalimentaire et de la grande distribution ainsi que les banques, mais on peut résister en imposant des prix plancher à la production, en interdisant vraiment les OGM et le brevetage du vivant, en rendant leurs places aux semences paysannes, en bloquant les projets agrocapitalistes telle la ferme des mille vaches.