Le 20 décembre EDF à déclaré dans un communiqué qu’une « énorme quantité de tritium, un isotope irradiant de l’hydrogène, a été mesurée dans les eaux souterraines de l’unité de production d’électricité : 28 900 becquerels par litre (Bq/L), une unité de mesure de la radioactivité, ont été enregistrés par EDF le 12 décembre dernier ». Dans son article daté du 26 décembre 2021, Médiapart souligne : « pour prendre la mesure de l’énormité de ce chiffre, il faut avoir en tête que le « bruit de fond », c’est-à-dire la quantité normale de tritium dans les eaux souterraines non contaminées, est compris entre 1 et 2 Bq/L, selon un rapport de la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad) en 2020, commandé par Greenpeace ».
Une succession de fuites et de rejets radioactifs au Tricastin
En 2006 et 2007, la CRIIRAD révélait « les limites annuelles de rejets ont été très largement dépassées (pour ne pas dire pulvérisées) en 2006 et 2007 » à la Socatri, une usine située sur le site du Tricastin. Les rejets de carbone 14 dans l’atmosphère ont été « 30 fois supérieurs à la limite réglementaire en 2006 et 42 fois en 2007 ».
Une étude réalisée par la CRIIRAD en 2007 avait aussi montré que les plantes aquatiques prélevées en aval du Tricastin « présentaient une accumulation de tritium organiquement lié plus forte que les autres échantillons collectés dans le Rhône depuis Genève. »
Le 8 juillet 2008 à 6 h 30 du matin, pendant le nettoyage d'une cuve, trente mètres cubes d'eau ont débordé dans le bassin de rétention, lequel a laissé fuir une partie du liquide qui s'est répandu à l'extérieur. La solution, qui contenait 12 grammes d'uranium par litre (soit 360 kilogrammes au total), a suivi le réseau d'évacuation des eaux fluviales jusque dans le Rhône.
Le 8 juillet 2013, EDF a détecté une fuite de tritium dans les eaux souterraines de la centrale du Tricastin. « Cette fuite aurait dû appeler une réponse immédiate, pourtant, ce n’est que le 6 août, presque un mois après, qu'elle a été déclarée à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) » comme le soulignait Stop nucléaire Drôme Ardèche.
Fin Août 2018, le cadre EDF lanceur d’alerte révèle dans sa plainte : « une inondation interne » et souligne « vous nous avez endormis quand vous nous avez parlé d'écoulement alors qu'il y a 10 centimètres d'eau dans le bâtiment. »
Le 6 novembre 2019, une activité de 5 300 Bq/L – plus de deux mille fois au-dessus du bruit de fond – avait été mesurée dans les eaux de la centrale. EDF n’avait communiqué l’information au public que onze semaines plus tard, selon la Criirad.
Omerta et privatisation
Les omissions et les mensonges d’EDF, couverts par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) sont aussi récurrents que les incidents et rejets comme le souligne cette succession de fuites d’éléments radioactifs à la centrale du Tricastin. Ils visent, en outre, à cacher les conséquences de la privatisation des opérations de maintenance des centrales. Rappelons que 90 % des opérations en « zone contrôlée » sont effectuées par la sous-traitance. Des salariés mis en concurrence, soumis au dumping social avec des conventions collectives et une médecine du travail qui ne correspondent pas aux activités réalisées. Ce nucléaire low-cost, a évidemment une répercussion sur la connaissance, la maîtrise et la sûreté des installations mais également sur la santé des agents et des populations.
Alors que l’Union européenne se rapproche de l’intégration de l’énergie nucléaire et du gaz fossile dans la taxonomie de la finance de l’Union Européenne, les qualifiant l’une et l’autre d’énergies non carbonées et durables, cette trop longue série de fuites radioactives à la centrale du Tricastin nous rappelle que le nucléaire ce n’est pas seulement le risque de catastrophes et de déchets multi-millénaires mais qu’il est une source de pollutions régulières de l’air et des eaux fluviales et d’une perte de compétences de l’ensemble de la filière.
Dominique Malvaud