Publié le Samedi 1 août 2009 à 23h36.

Quelques pistes pour une agriculture anticapitaliste....

La transformation écosocialiste de l'agriculture ne pourra avoir lieu sans une profonde remise en cause des règles de production.

Une démarche anticapitaliste ne peut soutenir les cumulards de foncier (terre), de quota (quantité de production attribuée sous forme de droit à produire), de bâtiments agricoles et de gros tracteurs, bref, ceux que l'on appelle les "Agrimanager", qui sont aussi éloignés de la terre que les actionnaires de Continental le sont des pneus...

Cette agriculture anticapitaliste, nous la défendons quand nous revendiquons un maintien du système des quotas avec un plafonnement des droits à produire par actif (c'est-à-dire par travailleur), l'arrêt des exportations européennes (qui ravagent les agricultures du Sud) et la restauration de barrières douanières et de taxes à l'entrée de l'Europe pour empêcher l'arrivée de produits soumis aux dumpings social et environnemental. L'urgente nécessité que nous voulons imposer par les luttes, c'est la réorientation de la politique agricole vers une logique de souveraineté alimentaire basée sur des fermes à « taille humaine », respectueuses de la dignité des travailleurs et des conditions environnementales dans lesquelles est réalisée la production.

L'ensemble de nos arguments vise à mettre en lumière le fait que sans une profonde remise en cause des règles collectives qui nous sont dictées pour organiser la production, la transformation « écosocialiste » de l'agriculture, à laquelle nous aspirons, n'aura pas lieu.

L'immense majorité des producteurs qui livrent leur lait en filière industrielle se retrouvent aujourd'hui dans des structures profondément capitalistes et productivistes. Cette situation dramatique pour l'emploi et pour le respect de l'environnement ne relève pas uniquement du simple choix individuel des paysans, mais résulte en grande partie de la pression de l'environnement social, politique et économique. Lorsque le prix du lait est en baisse du fait des politiques libérales et de la concurrence exacerbée, certains producteurs ont le réflexe de jouer la carte de l'augmentation de la productivité de leur travail par la "capitalisation" d'outils de plus en plus gros, croyant ainsi sauver leur peau. C'est aussi pour standardiser le travail dans ces grosses structures et augmenter les cadences qu'ils troquent la logique familiale, l'herbe et les vaches qui pâturent contre le maïs fourrager, les engrais et produits phytosanitaires, le soja OGM d'Argentine ou du Brésil, la mécanisation à outrance et les énormes bâtiments qui vont de pair avec ce modèle « zéro pâturage ». Tous les enjeux sociaux et environnementaux de l'agriculture du XXIe siècle résident à l'inverse de cette logique, dans la substitution du travail en intelligence avec la nature et de la matière grise au capital, à l'énergie fossile et à la chimie. Mais la juste rémunération d'un travail respectueux de la dignité humaine et des ressources naturelles a un prix en dessous duquel il ne faut pas descendre.

Certains agriculteurs ont réussi à se mettre en marge de ce schéma destructeur, au moyen de logiques autonomes et économes et de petite structures, mais ils sont malheureusement peu nombreux aujourd'hui, et bénéficient souvent de conditions structurelles particulières (climat et regroupement des terres favorables au pâturage, et/ou bon potentiel agronomique et/ou peu d'endettement au départ...). De plus, le choix d'une agriculture sans engrais, sans achats d'aliments pour le bétail, sans bâtiments et sans machines surdimensionnées ne préserve pas de la course aux hectares et à la production, comme peuvent en témoigner les énormes structures à base d'herbe de Nouvelle-Zélande ou d'Argentine.

Le prix de l'alternative

Même si le prix du lait ne résout pas tout, il peut fortement aider à la préservation et à la constitution des petites structures agricoles autonomes. Les producteurs des zones AOC comme le Comté ou le Beaufort, qui ont su construire des outils collectifs pour garder la majeure partie du contrôle de la planification et de la transformation de leurs productions, perçoivent actuellement un prix du lait deux fois supérieur à leurs collègues des filières industrielles, ce qui leur permet d'assumer les surcoûts à court terme d'une agriculture moins productive, à taille plus humaine et particulièrement attentive au respect de l'environnement dans des zones difficiles.

Ce type de modèle devrait pouvoir s'exporter à d'autres zones et être encouragé et encadré par des politiques nationales et européennes ambitieuses pour aller encore plus loin dans la valorisation du travail, du droit à un revenu décent et au respect de l'environnement. Ces pistes d'alternatives prouvent que ce que défend le NPA peut se développer, mais pour cela, il faut pouvoir être présent et accompagner les luttes actuelles, non pas comme des considérations corporatistes mais comme le début de mesures transitoires. Dans un rapport de forces plus favorable que celui qui existe aujourd'hui, il est évident que des revendications plus profondes décidées dans un processus démocratique large seront légitimement mises en place.

Commission pêche et agriculture du NPA