La fusion entre la Caisse d’épargne et la Banque populaire, amorcée en janvier 2009, menace des milliers d’emplois. En Île-de-France et en Midi-Pyrénées, les Comités d’entreprise (CE) se sont mobilisés pour stopper la fusion. À Paris, le 31 juillet, la Cour d’appel a donné raison aux syndicats, mais le 27 octobre, le Tribunal de grande instance (TGI) les a déboutés. Explications de Jean-François Largillière, secrétaire général de Sud Caisse d’épargne.Quelle est l’origine de la fusion entre la Banque populaire et la Caisse d’épargne et quelles en sont les conséquences pour les salariés et les clients ?En 1973, il y avait entre 350 et 400 caisses d’épargne. Il en reste aujourd’hui 17, après différentes restructurations qui se sont accompagnées de suppressions d’emplois. En 2006, il existait encore une trentaine de Caisses d’épargne régionales. Cette même année, alors que Charles Milhaud (encore à la tête du groupe) rêvait de cotation en Bourse pour l’Écureuil, est alors apparu le projet Natixis2, créant une banque de financement détenue à parité entre les Banques populaires et la Caisse d’épargne. Le rapprochement des deux groupes était déjà inscrit dans les objectifs patronaux. La crise financière a servi de prétexte pour fusionner les deux groupes. Des PSE3 ont alors commencé à voir le jour dans les entreprises Caisse d’épargne. Depuis la création de la BPCE, le comité de groupe, représentant les personnels des deux banques, n’existent plus. Il est donc très difficile d’obtenir des informations sur les orientations stratégiques patronales. Avant la création du groupe, on avait déjà commencé à tailler dans les effectifs. Sur 43 000 salariés de la Caisse d’épargne, 5 000 suppressions d’emplois étaient envisagées avant même la fusion. Les deux banques emploient 100 000 salariés et il faut s’attendre à plus de 10 000 suppressions de postes, une fois la fusion effective. Dans un premier temps, les deux enseignes seront conservées, mais petit à petit les agences fusionneront pour réduire le nombre d’employés. La masse de travail sera ainsi répartie sur un personnel moins nombreux, ce qui détériorera évidemment les conditions de travail. Le groupe a recruté Jean-Luc Vergne, co-responsable du plan social de PSA (qui a coûté 11 000 emplois) à la tête des ressources humaines. On sait pourquoi il vient... Les salariés sont écœurés par ce qu’on leur demande de proposer aux clients (forfaits, crédits revolving). Ils le font, pour garder leur boulot, pour bouffer, mais ils n’en sont pas toujours fiers, et cela crée de la souffrance. Et ce n’est pas propre à la Caisse d’épargne, ni aux banques.Comment la contestation s’est-elle organisée ?En Île-de-France, seuls Sud et la CGT Caisse d’épargne se sont mobilisés. En Midi-Pyrénées, Sud, CGT, CFTC et FO ont également voté une action en justice. Ailleurs, les syndicats ont simplement donné un avis, défavorable la plupart du temps. Mais légalement le patron n’était pas obligé d’en tenir compte. Donc, la seule façon de retarder le processus de fusion, c’était considérer que les CE n’avaient pas été informés sur les conséquences sur l’emploi et les conditions de travail. Il n’y a eu aucune lisibilité, entreprise par entreprise, par rapport à ça. On a eu des réunions, on a été noyés par des kilos de papiers plus ou moins utiles, mais les vraies questions restent sans réponse. Donc, on a utilisé la stratégie du report d’avis : tant que le CE n’a pas donné d’avis, le patron ne peut pas passer outre. Cela nous a donné du temps pour faire pression sur les patrons et mobiliser les salariés. Malheureusement, l’Unsa s’est mise d’accord avec la direction et, partout où elle était majoritaire, les CE ont donné un avis. En Île-de-France et en Midi-Pyrénées, Sud et la CGT étant majoritaires, les CE ont voté un report d’avis.Quelles actions comptez-vous mener suite au jugement du TGI du 27 octobre ?En Île-de-France, on a été débouté en première instance. Mais, en deuxième instance [le 31 juillet ndlr], on a eu un référé extraordinaire, qui conclut bien que les syndicats n’ont pas été consultés et que c’est la qualité des informations qui permet ou non au CE de se prononcer. Les juges ont même condamné la direction à 100 000 euros d’astreinte par jour tant qu’elle ne consultait pas le CE avec les éléments manquants. La fusion BPCE n’était donc pas effective en Île-de-France. Mais la Caisse d’épargne de Paris a attaqué sur le fond au TGI, qui nous a déboutés. Il a jugé en fonction du poids de papiers et du nombre de réunions, à l’inverse de la première décision. Aujourd’hui, on a deux jugements contradictoires et la fusion de la Caisse d’épargne peut se poursuivre. On fera certainement appel. En Midi-Pyrénées, les syndicats ont été déboutés une première fois et attendent l’appel du référé. Voilà où on en est juridiquement. L’action judiciaire peut être complémentaire des luttes, mais il ne faut pas se tromper, ce qui peut véritablement donner du pouvoir aux salariés, c’est le rapport de forces. Le juge se contente d’appliquer le droit. Or, aucune loi ne permet à un juge d’interdire de licencier dans le cadre d’un PSE. Le droit social reculant tous les jours, aller au tribunal a ses limites. Le combat est ailleurs. Il faut réapprendre aux gens le sens du collectif, pour recréer le rapport de forces. C’est uniquement là-dessus qu’on arrivera à redonner une valeur sociale au code du travail.1. Banque populaire Caisse d’épargne.2. Banque de financement et d’investissement du groupe BPCE.3. Plan de sauvegarde de l’emploi.
Propos recueillis par Gilles Pagaille.