Publié le Mercredi 30 mai 2012 à 21h22.

Eurobonds, project-bonds : le petit théâtre de François Hollande

Au sommet européen du 23 mai, François Hollande a mis en avant les euro-obligations se heurtant à l’opposition d’Angela Merkel.

D’abord quelques précisions de vocabulaire. Par euro-obligations (ou en anglais eurobonds) on désigne des titres de la dette publique qui, au lieu d’être émis comme actuellement, par chaque État séparément, le seraient au niveau européen. Les project-bonds correspondraient à des emprunts destinés à réaliser des projets précis de grands travaux concernant plusieurs pays de l’Union européenne (du type ligne de TGV) : un groupe privé volontaire pour un projet bénéficierait d’une garantie publique européenne pour se procurer des fonds.

Les project-bonds ont déjà existé dans le passé et figuraient dans les 60 propositions de Hollande sous le nom « d’emprunts européens pour le futur ». Les autorités européennes sont déjà d’accord pour mettre en route le processus en 2012-2013. En soi, ce n’est pas mal que l’Europe prenne en charge de grands projets. Reste à savoir lesquels, en fonction de quels besoins essentiels des populations, et aussi pourquoi confier ces projets au privé supposé en bonne logique libérale être plus efficace que le public.

Les eurobonds, par contre, signifieraient que tous les États européens (ou plutôt ceux de la zone euro) empruntent désormais en commun, c’est-à-dire au même taux. Ce qui veut dire que les marchés financiers accepteraient de prêter aux États considérés comme « fragiles » (Grèce, Espagne, Portugal, Italie) à un taux plus faible qu’actuellement. Par contre, l’Allemagne, la France, etc. bénéficieraient de condition moins favorables. Donc les eurobonds seraient un instrument de solidarité.

En fait, ceux qui prônent les eurobonds sont des marchands d’illusion : les eurobonds ne peuvent exister que si les politiques budgétaires sont unifiées au niveau européen. Et c’est clairement la position des dirigeants allemands : les eurobonds peuvent être un « point d’arrivée », une fois mis en application le traité budgétaire européen (que Hollande dit vouloir négocier). Comme l’a dit le ministre allemand des Finances, pas d’eurobonds, « tant qu’un pays mène sa propre politique budgétaire ». Autrement dit, tous les pays, quelles que seront dans le futur les majorités au pouvoir, devront accepter le carcan de l’austérité.

De plus, les eurobonds, même s’ils existent un jour, ne supprimeront pas la tutelle des marchés financiers. En fait, en les mettant en avant, Hollande montre clairement qu’il n’a aucunement l’intention de contester les contraintes du traité de Maastricht qui empêchent la Banque centrale européenne de faire des avances ou de prêter directement aux États.

Le plus probable est que les effets de manche français ne déboucheront sur rien sauf sur la mise en place d’une étude supplémentaire sur les eurobonds. En contrepartie de ces eurobonds hypothétiques et de quelques project-bonds, François Hollande avalera très probablement le contenu du traité européen (avec quelques modifications de forme). On peut à l’extrême rigueur imaginer un « compromis » autour, par exemple, d’une pincée d’eurobonds (quelques % des émissions de dette nouvelle par exemple) avec un système de garantie particulier.

Dans tous les cas, la finance pourra continuer de prélever sa dîme et les peuples européens d’en supporter le coût social. Derrière la scène de ce mauvais théâtre, le feu est pourtant dans la maison : la zone euro connaîtra la récession en 2012 tandis que la situation grecque et la fragilité des banques espagnoles peuvent déboucher sur une nouvelle tourmente. Et le nouveau président français pérore sur une question annexe au lieu de poser les vrais problèmes ! Tout en s’accommodant du chantage auquel est soumis le peuple grec.

Henri Wilno