Publié le Samedi 14 janvier 2012 à 22h40.

Ni austérité ni protectionnisme, un bouclier social !

Selon l’Insee, la zone euro entre en récession probablement jusqu’au milieu de l’année. Cela permet aux gouvernement d’attaquer encore plus les acquis sociaux.

Le point le plus marquant de la deuxième phase de la crise économique est le retour de la récession en Europe qui pèse sur le reste de l’économie mondiale. Dans la zone euro, on est loin des proclamations optimistes d’il y a dix ans, lors de la mise en circulation de l’euro comme monnaie unique.
On constate une forte détérioration de l’activité depuis la rentrée de septembre et, pour reprendre l’expression de l’Insee : « l’économie est en panne jusqu’à mi-2012 ». L’emploi dans la zone euro a baissé de 3 millions de postes entre 2008 et 2011 dont 2,1 millions dans l’industrie. Le taux de chômage atteint 10,3 % de la population active en octobre, soit son plus haut niveau historique. Cela fait désormais six mois consécutifs que le chômage en zone euro atteint ou dépasse les 10 %.
Un lourd tribut pour les populations
L’incertitude liée à la crise de la dette persiste tandis que les populations paient un lourd tribut. Et pas seulement en Grèce. Le niveau élevé du chômage pèse sur les salaires du privé tandis que le rôle des accords collectifs est sapé. Les salaires des fonctionnaires sont gelés en Italie, Espagne, France… Les prestations sociales sont réduites en Italie, Portugal, Espagne... Et les impôts augmentent, notamment la TVA. Aux Pays-Bas, en raison de la crise financière, 125 fonds de pension auxquels sont affiliéEs 8 millions de salariéEs viennent d’annoncer une baisse des retraites (que les autorités ont limité à 7 % maximum !) et une baisse généralisée des retraites servies par l’ensemble des fonds de pension n’est pas exclue pour 2013. 
La crise prétexte aux reculs sociaux
Quant au nouveau traité européen voulu par « Merkozy », non seulement son entrée en vigueur risque de prendre du temps mais il perpétue et durcit les règles néfastes du traité de Maastricht. Cependant, il faut comprendre que les dirigeants qui vont de sommet en sommet ne sont pas que des illusionnistes cherchant à faire croire qu’ils agissent, ni des fanatiques adorateurs incompétents des marchés (ce que croient certains antilibéraux). Comme le soulignait l’économiste Bruno Amable, dans un article de Libération de décembre 2011 (« Austérité : bêtise ou ruse des gouvernants ? »), Angela Merkel et les autres dirigeants européens ne sont pas des « corniauds ».
La récession et la dette sont utilisées pour casser les garanties sociales qui subsistent car cela correspond à un objectif depuis longtemps affirmé par le patronat. Certains pays ont avancé plus vite que d’autres sur cette voie. L’Allemagne a ainsi pris une longueur d’avance avec les lois Hartz mises en place au début des années 2000 par le gouvernement de coalition socialistes-verts dirigés par Gerhard Schroeder, lois qui ont paupérisé une partie des salariés, des chômeurs et de retraités1. Le patronat français estime, lui, qu’il n’a pas marqué assez de points et sa position demeure celle synthétisée en 2007 par Denis Kessler, alors vice-président du Medef, qui affirmait la nécessité de remettre en cause les conquêtes sociales de la Libération et de l’après-guerre. 
Les politiques d’austérité approfondissent le ralentissement économique en Europe. Mais, pour les classes dirigeantes, où est le problème ? Banques et financiers prospèrent grâce aux crédits libéralement distribués par la Banque centrale européenne.  Et les multi­nationales compensent une large part de la moindre demande européenne par leurs implantations très rentables dans le reste du monde. Le caractère plus aigu en Europe de la phase actuelle de la crise est donc aussi la résultante d’un choix des fractions les plus internationalisées du capital européen et des gouvernements à leur service. 
Les conséquences de la combinaison libéralisme/austérité créent cependant un malaise chez certaines fractions du patronat, moins internationalisés et plus dépendants des marchés européens, qui veulent bien des mesures de réduction des droits sociaux mais s’inquiètent de la stagnation économique. D’où le regain des thèmes protectionnistes. Les salariéEs n’ont rien à gagner à se mettre à la remorque de ces courants. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est un « bouclier social » face à la crise, dispositif qui est un des principaux points du programme d’urgence défendu par Philippe Poutou.
Henri Wilno
1. Voir dossier « Bienvenue en Germoney » dans Tout est à nous ! La Revue de décembre 2011.