Dans sa première mouture, la taxe à 75 % frappait les revenus du « travail » excédant 1 million pour un individu donné. Le Conseil constitutionnel l'avait censurée au motif que les impôts se paient par foyers fiscaux… Outre qu'il n'aurait pas rapporté grand chose (à peine 200 millions), le dispositif était en effet mal fagoté : ainsi, un couple gagnant chacun 900 000 euros n'était pas concerné par la taxe. Pourquoi ? Parce qu'il ne fallait surtout pas intégrer cette mesure dans le barème de l'impôt sur le revenu (IR)… puisqu'elle aurait alors concerné les revenus du capital. Et que, du coup, la taxe risquait de frapper les riches pour de vrai ! Qu'aurait pu décider Hollande après la censure ? S'il avait eu l'idée folle de faire payer les riches, il avait une solution simple : éliminer les niches dont bénéficient les capitalistes et réformer le barème de l'IR en créant de nouvelles tranches, au-delà de 45 %, le taux marginal actuel. Rappelons que ce taux était de 81 % en 1967… Et si le Conseil constitutionnel censurait à nouveau (en suivant l'avis du Conseil d’État selon lequel un taux supérieur à 66 % serait « confiscatoire »), rien n'empêcherait Hollande de changer la Constitution, au besoin par référendum. La logique froide d'un système en criseSans surprise, ce n'est pas le choix annoncé par Hollande lors de son intervention télévisée du 28 mars. Les entreprises (et non les particuliers) devront payer, pendant deux ans, une contribution de 75 % (toutes impositions confondues) sur les rémunérations qui excèdent 1 million. Cette mouture est encore plus « light » que la précédente : des formes de rémunération (comme les stock options) pourraient en être exclues ; des postes de direction pourraient être facilement délocalisés ; des entreprises pourraient reporter une partie des rémunérations puisque la taxe est temporaire ; enfin, elle serait déductible, si bien qu'elle permettrait aux entreprises de payer moins d'impôt sur les sociétés.Les capitalistes sont rassurés. Cette taxe symbolique ne représente rien par rapport aux cadeaux qu'ils reçoivent : baisse d'impôt de 20 milliards, allègements de cotisations sociales (avec les contrats de génération) qui s'ajoutent aux précédents, ANI bientôt transcrit dans la loi. Tout faire pour augmenter les profits pour faire repartir la croissance : la seule politique possible d'un gouvernement qui inscrit son action dans le cadre du système. La redistribution radicale des richesses exige l'expropriation des capitalistes et la planification de l'économie. Gaston Lefranc
Crédit Photo
Photothèque Rouge/MILO