Luc Chatel vient d’annoncer une nouvelle mesure qui vise à casser le statut des enseignantEs, à travers la remise en cause du système de mutation. Actuellement, le mouvement se fait sous le contrôle de commissions paritaires où les éluEs des syndicats essayent de maintenir la transparence et l’égalité de traitement (selon un barème se basant sur l’ancienneté, les enfants et le lieu de résidence). Mais dans le cadre de la politique de « flexibilisation » des personnels, de plus en plus de mesures sont mises en place pour contourner ce système. Depuis l’an dernier, les établissements du dispositif Éclair recrutent directement sur des « postes à profil », avec CV, lettre de motivation et entretien. Mis en place à l’échelle académique, ce dispositif a fait « flop » l’an passé : une candidature pour quatre postes proposés en moyenne. Cette année, pour développer cette logique, Chatel a étendu le recrutement Éclair aux postes profilés au niveau national, et y a ajouté des incitations financières (primes qui pour la plupart existaient auparavant dans les ZEP qui sont progressivement remplacées par Éclair).
En fait, ce dispositif mis en place pour l’instant dans les établissements Éclair reprend ce qui se fait déjà dans les établissements privés sous contrat. Il vise à développer l’individualisation des carrières, avec des primes au mérite et la mise en concurrence accrue des personnels encadrés par des chefs d’établissements de plus en plus autonomes, devenant de véritables « managers d’entreprise ». Ce dispositif, qui donne le pouvoir de recrutement au chef d’établissement, va se combiner avec le projet d’évaluation par ces mêmes chefs. Il y a fort à parier que le gouvernement va généraliser ce type de mesure à tous les établissements après les élections de 2012. Cela signifie leur donner bien plus de pouvoir pour mettre la pression sur les enseignantEs qui ne « rentrent pas dans le moule ». Cela augmente la pression hiérarchique dans un milieu qui jusqu’à présent était assez syndiqué. Ce n’est pas un hasard si depuis quelques années, le ministère modifie aussi sa politique de recrutement des personnels de direction. Précédemment, ils étaient d’anciens enseignants. Aujourd’hui, de nouveaux cadres, ne venant pas du milieu enseignant, sont recrutés. Le ministère encourage même le recrutement en provenance du privé. Josette Théophile, la DRH en chef au ministère, a précédemment restructuré la RATP et ne cache pas son objectif de faire disparaître la totalité des statuts (décrets de 1950).
Ce dispositif prétend motiver les enseignantEs plus expérimentéEs pour travailler dans les zones difficiles. En fait, cela ne va rien résoudre. Éclair aboutit même à une stigmatisation de certains quartiers, ne faisant qu’accentuer la logique d’exclusion. Cette année, pour recruter dans un établissement Éclair, le rectorat de Toulouse a publié une annonce qui témoigne d’un profond racisme et d’un mépris social incroyable : « Cherche principal adjoint de collège situé dans un univers dégradé à forte concentration ethnique et religieuse proche de la ghettoïsation » !
Dans un contexte de dégradation très forte des conditions de travail (gel des salaires, suppression de la formation, projet de remise en cause de deux semaines de vacances, augmentation importante de la charge de travail, réformes pédagogiques…), il y a urgence à organiser une riposte large et unitaire. La grève du 31 janvier sera un test important. Il y a plus que jamais urgence à se mobiliser, car c’est bien l’ensemble du statut des enseignantEs qui est visé.
Antoine Boulangé