A l’occasion de la fête célébrant la naissance du Prophète, le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, a gracié six militants de la lutte contre l’esclavage, pratique restée courante dans le pays, malgré sa criminalisation par les lois de 1981 et 2007 dont les textes n’ont pas été suivis du décret d’application. Emprisonnés à Nouakchott depuis le 12 décembre 2010, trois des militants avaient été condamnés à un an de prison, dont 6 mois de prison ferme pour «agression sur agents de police». Les trois autres graciés avaient écopé de six mois de prison avec sursis. Leur seul crime: s’être rendus, en compagnie d’un commissaire de Nouakchott, dans une maison ou deux jeunes filles de 9 ans et 14 ans travaillaient comme domestiques pour plusieurs femmes. La situation aurait ensuite dégénéré entre policiers et militants. Mais ces derniers ont toujours affirmé ne pas avoir agressé les forces de l’ordre.
Elu depuis juillet 2009, à la suite d’un coup d’Etat lui aussi «rectificatif», Ould Abdelaziz a déjà usé de cette prérogative à l’occasion des fêtes religieuses, particulièrement en faveur de détenus impliqués dans des attentats islamistes mais considéré comme «modérés». Ainsi, implicitement, Aziz met au même plan militants des droits de l’homme et terroristes. Dans le même temps, le procès des trois femmes esclavagistes a conclu à six mois avec sursis.
Les défenseurs des droits humains sont donc criminalisés alors que les esclavagistes n’ont été accusés que d’exploitation de mineurs ou de négligence. Ainsi que le souligne, Aminetou Mint El-Moctar, présidente de l’Association des femmes chefs de familles, «il y a une volonté des autorités à nier le phénomène de l’esclavage» pourtant endémique en Mauritanie. Depuis 2007, alors que la loi l’exige, aucun procès pour esclavagisme n’a eu lieu, malgré les actions des associations telles que SOS Esclaves, El Hor (les Haratines) ou aujourd’hui le FLERE et l’IRA. Normal, puisque les esclavagistes sont des éminences du gouvernement et de l’opposition officielle qui, pourtant, avait proposé dans son programme l’éradication de l’esclavage. Cette question récurrente est souvent évoquée dans la presse internationale, mais reste un tabou national. Le reportage de Mourad Ait-Abbouche, réalisé pour France 3, au moment du dernier rallye Paris-Dakar qui passait en Mauritanie, a été censuré par sa propre chaîne française pour ne pas provoquer d’incident diplomatique.
Cette grâce intervient après une mobilisation internationale sans précédent, particulièrement due au Parti Radical italien, qui a dépêché sur place une délégation de députés du parlement européen, à Michel Vauzel, président de France-Mauritanie, et, last but not least aux militant-e-s du NPA. Néanmoins, cette grâce est inacceptable aux yeux des militant-e-s des droits de l’Homme, puisqu’elle les prive du procès condamnant le système esclavagiste. Aziz croyait pouvoir faire taire les abolitionnistes, c’était sans compter sur leur détermination et leur sincérité. L’accusation allant même à en faire des agents du … Mossad.
Un pouvoir corrompu et aux abois
Alors que les peuples du Maghreb et Machrek se soulèvent et que les régimes dictatoriaux tombent les uns après les autres, on pourrait penser que la Mauritanie est épargnée par les révoltes. Tel n’est pas le cas, puisque le 26 février dernier près de 2.000 personnes se sont rassemblées au centre de Nouakchott. Les mots d’ordre de la manifestation, outre les revendications sur le prix des denrées, la démocratie véritable, la fin du régime militaire, portaient aussi sur l’abolition de l’esclavage et la fin de la corruption qui gangrène le pouvoir. Certes, ce n’est pas encore la place Tahrir, mais toutefois la contestation progresse au sein de la population. Pour preuve, même si la police n’est pas intervenue pour déloger les manifestants, celle-ci à quadrillé les quartiers populaires et procéder à des arrestations arbitraires. Signe d’un certain affaiblissement du pouvoir. Aziz invente la répression préventive.
Alors que le Colonel impose un régime drastique à la population, sous prétexte de lutter contre la corruption et d’être le «Président des pauvres», on découvre que la gabegie continue de plus bel et que l’argent détourné serait planqué aux states mais aussi … en France. C’était d’ailleurs, le sens de la revendication de Yacoub Ould Daoud, homme d’affaire mauritanien de 43 ans, qui s’était immolé devant le palais présidentiel. Le soir même Aziz déclare à la TV national que « en Tunisie, ce sont les pauvres qui s’immolent, ici c’est un riche, je suis le président des pauvres». L’insulte porta ses fruits, puisque dès l’annonce de la mort de Yacoub, des manifestations spontanées ont eu lieu. Malheureusement, la Mauritanie étant clanisée, celles-ci ne réunissaient que des jeunes Bidhanes.
Mais aujourd’hui, le régime n’ayant plus ses soutiens tunisiens, égyptiens et bientôt libyen, la Mauritanie aurait envoyé des mercenaires pour mater la rébellion libyenne. D’ailleurs Aziz n’a jamais caché son admiration pour Kadhafi (le Grand Sphinx), lequel a toujours assuré la formation de quelques conseillers militaires auprès du régime du colonel Taya responsable du massacre des négro-mauritanien-ne-s de 1989, parmi lesquels Aziz. Donc espérons que cette année, verra enfin la chute de la junte militaire et l’avènement de la démocratie populaire.
Mariam Seri Sidibe