Le 17 juin au matin, début des épreuves du bac, le ministre Blanquer oscillait entre les menaces voilées en dénonçant « une grève pas très acceptable » et le mode « même pas mal » en prétendant que malgré la grève, « les épreuves vont se passer normalement ».
Cela résume la politique du ministère : passage en force de réformes en utilisant la répression face à l'incapacité de convaincre les enseignantEs, mais aussi les jeunes et leurs parents, en se réfugiant dans le déni de la réalité au nom d'une normalité fantasmée.
Des formes de mobilisation qui bousculent les habitudes
Il y a quelques mois Blanquer était le premier de la classe du gouvernement Macron, et le chouchou de tous les adorateurs de l'économie libérale enrobée dans les vieilleries réactionnaires d'un individualisme éculé, saupoudré de nationalisme nauséabond, qui voyaient dans les différentes réformes la mise en œuvre de leurs idéaux. Mais depuis septembre les résistances ont commencé. Entre les enseignantEs des LP mobilisés contre la réforme de la voie professionnelle, les enseignantEs du second degré remontés contre la réforme du bac, les jeunes manifestant contre Parcoursup, et aussi les instits et les parents contre « l'École de la confiance », le seul recours de Blanquer a été de jouer les décalages temporels et les difficultés de convergence des différents secteurs mobilisés. Mais au total, l'inflexible a dû reculer sur certains des aspects les plus contestés de prétendue « École de la confiance », durcie par la majorité très à droite du Sénat. Exit donc la création imposée des regroupements écoles-collège (EPSF), le projet de faire des directeurs et directrices d'école les supérieurEs hiérarchiques de leurs collègues, les formations des enseignantEs sur leur temps de vacances, mais aussi la suppression des allocations des familles d'élèves absentéistes ou le refus de mamans voilées dans les sorties scolaires. C'est loin de vider la loi de toutes ses attaques, mais cela montre que les mobilisations peuvent peser.
Jusqu’à 60-70% de grévistes
De quoi renforcer la détermination à ne pas lâcher sur les autres réformes de Blanquer, en particulier celles de la voie professionnelle et du bac général et technologique. Au fur et à mesure de la précision des conditions de la rentrée 2019, la colère n'a fait que s'approfondir, renforçant le refus de collaborer à la mise en place de ce qui transforme l'école en simple machine de tri social renforcé de la jeunesse, tout en dégradant significativement les conditions de travail des enseignantEs et plus globalement de tous les personnels de l'éducation.
C'est ce qui a fait mûrir la détermination à ne pas laisser les examens se dérouler « normalement », d'autant que les réformes en question font disparaître le bac comme sésame à la poursuite d'études librement choisie pour chaque jeune bachelierE. La mobilisation a commencé à une échelle modeste dans le 93, avec la grève des corrections du BEP. Ce sont 50 % des enseignantEs de Lettres-Histoire convoqués pour corriger qui se sont mis en grève. Résultat, aux deux jours de corrections prévus se sont ajoutés deux jours supplémentaires, le rectorat convoquant de nouvelles personnes.
La grève des surveillances le 17 juin a connu un écho très variable, mais avec des pointes à 60-70% de collègues convoqués en grève dans certains établissements. Et des stratégies de contournement de la part des chefs d'établissement pour tenter de faire face (faire composer les élèves dans des gymnases plutôt que dans des salles pour diminuer le besoin de surveillantEs…), révélatrices du niveau de mobilisation et, du côté du ministre Blanquer, d’une étrange conception de la « normalité ».
Cathy Billard