Publié le Mercredi 18 juin 2025 à 18h00.

Assassinat de Mélanie, un drame qui soulève des problèmes de fond

Le meurtre de Mélanie, assistante d’éducation poignardée par un élève de 14 ans, bouleverse et interroge. Ce drame témoigne d’une société incapable de protéger, d’éduquer et de prévenir. Face aux récupérations politiciennes, il faut pointer les responsabilités structurelles, la casse des services psycho-médico-sociaux de l’Éducation nationale et l’abandon des personnels. C’est tout un modèle de société qu’il faut remettre en question.

Une assistante d’éducation de 31 ans tuée sous les coups de couteau d’un élève de 14 ans, c’est un drame absolu. Personne ne devrait mourir sur son lieu de travail, à cause de son travail. Qu’un enfant de 14 ans ait construit le projet de tuer constitue une alerte majeure sur l’état de la société, sur la manière dont les interactions entre institution scolaire, réseaux sociaux et idéologie dominante méséduquent les enfants. Il y aurait beaucoup à détricoter pour essayer de comprendre sans raccourci ; cela dépasserait largement l’espace d’un article.

Refuser l’instrumentalisation

Il y a cependant un enjeu à refuser l’instrumentalisation de ce drame pour alimenter un projet politique ou pour masquer la responsabilité gouvernementales. Retailleau en profite pour relancer son combat contre les projets d’émancipation : « Depuis des années, je dénonce les ravages de cette société permissive que les beaux esprits progressistes nous avaient vendue comme un progrès. Elle devait libérer. Elle a enfanté des barbares. Ce que nous payons aujourd’hui, c’est la facture de Mai 68. » Macron prétend s’attaquer à un phénomène de « désinhibition de la violence » en voulant « réguler les réseaux sociaux ». C’est dans la continuité de Bayrou qui déclarait le 25 janvier : « La santé mentale devra être la grande cause nationale de 2025 » — comble de l’hypocrisie.

Un système démantelé, des personnels abandonnés

Au moment du meurtre de Mélanie, les personnels des services psycho-médico-sociaux se rassemblaient devant le ministère pour dire : « Nous refusons que nos missions soient exercées au sein de pôles médico-sociaux départementaux qui mettent en danger notre statut et nos missions. Nous refusons d’être les figurantEs d’un simulacre de politique de santé scolaire, que nos métiers soient vidés de leur sens, que les élèves soient privéEs d’un accompagnement social de qualité. » Depuis 2003, des gouvernements ont tenté d’externaliser les services psycho-médico-sociaux, ce qui couperait toute coordination entre ces services et les équipes enseignantes ou les vies scolaires. Les mobilisations ont permis de freiner ce projet mais pas d’empêcher la désorganisation de ces secteurs exsangues.

Précarité, bas salaires et départs massifs

Chaque année, il manque dans les collèges et lycées des centaines de postes d’infirmières et d’assistantes sociales. Ces métiers presque totalement féminisés sont très mal payés. Les assistantes sociales de l’Éducation nationale démarrent avec 170 € de moins que leurs homologues des autres fonctions publiques. Il leur faut 18 ans pour atteindre 2 000 € mensuels, contre 9 ans ailleurs. Pour les infirmières, c’est encore pire : en 2024, le syndicat FSU calculait un écart indiciaire mensuel de plus de 794 €, auquel s’ajoute un écart indemnitaire de plus de 400 €. Résultat : des départs massifs.

Il y a urgence. Ce drame en annonce d’autres. Nous partageons ce qu’écrit le sociologue Thomas Sauvadet : « Les valeurs de notre société libérale, liées au système capitaliste, fondé sur l’intérêt personnel et la compétition sociale, ne développent pas des capacités d’empathie extraordinaires. » Il est temps de changer radicalement les priorités.

Commission Éducation nationale