Publié le Mardi 3 novembre 2020 à 16h07.

Rentrée des vacances dans l'Éducation : le feu aux poudres !

À trois jours d’une rentrée déjà très assombrie par le contexte ambiant, l’annonce du sabordage de l’hommage à Samuel Paty a constitué l’étincelle qui a fait exploser une mobilisation d’une ampleur et d’une spontanéité inédites.

Il faut dire que ces vacances de la Toussaint, attendues comme un soulagement après deux mois d’une première rentrée sous la menace de l’épidémie et sous le poids de plus en plus écrasant des réformes Blanquer, avaient déjà été difficiles.

D’abord par le sentiment d’horreur qui a saisi tout le monde, et en particulier les enseignantEs, à l’annonce du meurtre de Samuel Paty. Mais aussi, quelques jours plus tard, par les répétitions macabres du jeudi 29, et enfin par la nouvelle flambée épidémique et l’annonce du confinement.

Ambiance de poudrière

Travaillant dans l’éducation nationale, nous craignions aussi la contagion, au sein de nos établissements, du délire islamophobe qui s’est étalé dans les médias pendant ces deux dernières semaines. Parce que nous ne voulions pas revivre le climat de 2015, où nos élèves, tout à leurs tâtonnements, questionnements et provocations d’adolescentEs, se retrouvaient soudain mis en accusation, dénoncés auprès des autorités faute d’être suffisamment « Charlie ».

C’est donc avec de gros nuages noirs au-dessus de notre tête que nous envisagions cette glaciale rentrée d’automne. Mais au moins, nous disions-nous, le ministre nous a promis un temps de concertation avec nos collègues, le lundi, de 8h à 10h. Cela aurait été l’occasion de redire quelques évidences, comme le fait que nos élèves ne sont pas nos ennemiEs, et que lorsqu’on les aborde autrement que pour guetter le moindre faux pas, cela ne se passe pas si mal que ça, n’en déplaise aux chroniqueurs de Cnews.

Ce temps de concertation pouvait du reste permettre d’amorcer la discussion sur le protocole sanitaire « renforcé » annoncé par Macron pour permettre de maintenir les établissements scolaires ouverts. Dès que Blanquer a commencé à en préciser les détails, on a bien vu qu’il n’aurait de « renforcé » que le nom, et qu’il pêchait sur un point essentiel, à savoir le passage en effectifs réduits de toutes les classes, sur lequel le ministre s’était pourtant clairement engagé en juin dernier.

Blanquer allume la mèche

Mais le vendredi, à la stupéfaction générale, le temps banalisé du lundi matin afin de permettre un minimum de concertation est annulé. Les raisons ne sont pas claires, puisque le gouvernement invoque tour à tour les contraintes liées aux transports scolaires et le niveau d’alerte attentat. Mais l’essentiel est ailleurs. Ce revirement, à trois jours de la rentrée, est vécu comme une provocation par l’ensemble des personnels de l’éducation nationale. Cela devient le symbole du mépris de l’institution.

Rarement une décision ministérielle aura suscité une réaction aussi vive et instantanée, surtout dans une période de vacances. De nombreuses AG en visioconférence se sont réunies durant le week-end et ont mis en discussion, à l’invitation des syndicats comme le SNES et Sud Éducation, la grève le lundi de la rentrée.

Sous la menace, plusieurs académies ont alors autorisé le retour à l’organisation initiale avec les deux heures banalisées, comme à Toulouse, Montpellier, Lyon et Marseille. Là où les recteurs ont voulu rester droits dans leurs bottes, comme dans l’académie de Créteil, les collègues ont débrayé le lundi, avec des taux souvent très supérieurs à 50%.

Il s’agit d’un mouvement qui concerne pour l’essentiel le second degré, à cause de la règle de la déclaration d’intention 48h avant de professeurEs des écoles, et qui est disparate d’un établissement à l’autre. Mais il fait l’effet d’un baril de poudre auquel on aurait soudainement mis le feu.

Surtout, il bat en brèche le discours lénifiant sur l’unité nationale derrière les enseignantEs. Ceux-ci et celles-ci montrent par cette grève qu’ils et elles ne sont pas dupes et qu’ils et elles savent ce qu’ils peuvent attendre de ce gouvernement comme soutien matériel ou même symbolique. Rien.

Lutter pour ne plus subir

Encore plus important pour la suite, on est passé d’une grève du scandale face à un hommage jugé « au rabais », dans laquelle beaucoup de choses se mêlaient, y compris les tendances les plus républicanistes, à une grève pour imposer un autre protocole sanitaire.

C’est pour cela que certains établissements ont voté la reconduction sur les jours suivants. Il faut désormais qu’un appel à la grève nationale vienne soutenir ce mouvement, d’ici la semaine prochaine. Et pourquoi pas le lundi 9, jour officiel de mise en application du nouveau protocole « renforcé mais pas trop » ?

Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard et que la seule option pour protéger les personnels, les élèves et leurs familles soit une nouvelle fermeture des établissements scolaires, comme tout le monde semble s’y résoudre. Ce serait catastrophique. D’autres choix sont possibles, et en premier lieu des embauches massives, que ce soit d’agentEs d’entretiens, de personnels médicaux-sociaux, d’assistantEs d’éducation, d’AESH, de profs. Qu’on ne vienne pas nous dire qu’en cette période où tant se retrouvent privéEs d’emploi, ce serait impossible si on y mettait les moyens. Cela permettrait enfin des conditions sanitaires dignes de ce nom et une réduction des effectifs dans toutes les classes, sans devoir rogner sur les enseignements. C’est vital.