Surprise, jeudi 11 avril : face à l’adoption de la loi donnant au privé plusieurs entreprises très rentables (Engie, Française des Jeux, Aéroports de Paris/ADP), c’est sur la privatisation de cette dernière que s’est unifiée l’opposition parlementaire, de la droite classique à La France Insoumise.
Plus de 200 députés ont enclenché la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP), proposant d’obliger l’État à garder plus de 50% des parts, comme actuellement. Pour que ce référendum ait lieu, il faut l’accord du Conseil constitutionnel, et ensuite rassembler plus de 4,5 millions de signatures. Difficile mais pas impossible vue l’impopularité du macronisme. Un possible futur gros enjeu pour affaiblir, voire faire sauter ce gouvernement.
Énormes enjeux financiers
La somme en jeu est de 9,5 milliards d’euros. L’État les placerait dans un fonds lui rapportant environ 150 millions d’euros pour financer des investissements. Premier souci : il s’agit du montant des dividendes annuels versés actuellement par ADP qui a fait 650 millions d’euros de bénéfices en 2018.
On voit bien que l’intérêt est ailleurs, qui est de faire un beau cadeau aux copains comme pour les deux autres privatisations très juteuses. Mais sur les aéroports de Paris, Orly, Le Bourget et Roissy, les appétits des grands groupes mondiaux sont là, entraînant rivalités et affrontements. Dans cette proposition de référendum, on retrouve ainsi des députés PS et droite qui ont voté sans sourciller les privatisations des aéroports de Toulouse, Lyon, Nice… dans le passé.
Paris est la première destination touristique mondiale, avec 105 millions de passagerEs cette année, et 126 millions prévus pour 2025… Une population riche, sur qui on peut accumuler les données, goûts, préférences, à très fort pouvoir d’achat : une mine d’or !
Vinci sur les rangs
Autre source de juteux bénéfices : les terrains détenus par ces aéroports. Dans l’extension du grand Paris, avec le grand métro Express financé à prix d’or par nos impôts, reliant aéroports et villes riches, de nombreux terrains voient leur valeur s’envoler, avec de futures opérations immobilières à la clef. Celui qui contrôle les aéroports contrôle la suite…
Dernière source de profits : les taxes payées par les passagers et compagnie aériennes. Qui râlent régulièrement contre leur niveau très élevé et leur augmentation incessante. Et s’inquiètent d’une privatisation qui les rendrait captives d’un aéroport en situation de monopole…
Et qui trouve-t-on sur les rangs des bénéficiaires ? Au premier rang, bien sûr, Vinci ! Qui deviendrait ainsi premier mondial dans le BTP et les aéroports, après avoir acheté l’aéroport de Londres Gatwick pour 3.2 milliards d’euros le 27 décembre dernier. La marge opérationnelle d’Aéroport Vinci a été, en 2018, de 43% !
On trouve aussi, parmi les prétendants, deux énormes fonds d’investissement, l’Australien IFM et le fonds US Macquarie, qui possèdent plus de 470 milliards de dollars d’actifs et sont présents dans de multiples domaines : éducation, santé...
L'écologie et les salariés sacrifiés
Bien évidemment, dans ces opérations financières gigantesques, l’écologie et la situation des travailleurEs passent aux oubliettes. Dans ces aéroports géants qui cherchent à capter la clientèle de correspondance internationale, l’enjeu est de multiplier les vols et créneaux horaires, jour et nuit, et tant pis pour les riverainEs, et tant pis pour l’effet de serre…
Les salariéEs sont promis quant à elles et eux à un éclatement entre multiples entreprises de sous-traitance. Plus de 100 000 salariéEs travaillent dans ces aéroports, avec quelques grands donneurs d’ordre : ADP, Air France, 3S, Alyzia…
Et la fameuse loi Diard, votée sous gouvernement socialiste, qui oblige à se déclarer en grève 3 jours à l’avance et permet aux entreprises concernées de prévoir le remplacement des grévistes, ne facilite pas la résistance des travailleurEs.
Malgré cela, la résistance existe. Et exige, pour déboucher, de grands mouvements d’ensemble.
Jet Aelys