Ami le matin, ennemi le soir... ou vice versa (proverbe chinois). La communication d’Air France est claire : le monde aérien regorge de concurrents de toutes sortes qui sont autant d’ennemis pour la compagnie nationale...
Ces « ennemis » seraient les compagnies du Golfe qu’il faut interdire d’accès aux aéroports européens, les low-cost avantagés par des coûts salariaux plus bas, et évidemment les « ennemis héréditaires » que sont Lufthansa et British Airways...
Ennemis... ou amis ?
Mais quand on regarde de plus près c’est un peu plus compliqué. Le PDG d’Air France-KLM n’hésite pas à proposer à l’Union européenne – en commun avec les PDG de Lufthansa, Ryanair, Easyjet et d’IAG (British Airways et Iberia) – « des mesures à prendre pour améliorer la compétitivité des compagnies européennes ». Autrement dit comment payer encore moins d’impôts et de charges.
Et dans le même temps, les liens se resserrent entre Air France-KLM et Etihad (Émirats arabes unis). Le partenariat prend forme et la presse se fait écho du fait qu’Etihad pourrait entrer dans le programme de fidélisation Flying Blue, programme qui distribue des billets gratuits en fonction des distances parcourues par les hommes d’affaires (ce qui permet d’avoir un avantage non déclaré aux impôts…). Et dans la présentation au « management meeting » du 15 juin dernier, Frédéric Gagey, le PDG d’Air France, indiquait que des nouvelles alliances sont à l’étude, peut être avec Emirates et Easyjet.
Offensives contre le « coût du travail »
Pour toutes les directions des compagnies aériennes, l’ennemi est le même : le fameux « coût du travail ». Pour elles, il s’agit de baisser leurs coûts unitaires sur leur seule variable d’ajustement : les salariéEs du transport aérien, qu’ils soient français, européens ou d’ailleurs.
Et à l’échelle européenne, les attaques portent désormais sur les pilotes. Depuis le début de 2015, des grèves de pilotes ont eu lieu chez German Wings (peu avant le crash volontaire de l’A320), Norwegian, Alitalia, Lufthansa et TA Portugal… À Air France, le PDG du groupe annonce de nouvelles attaques contre les personnels pour la rentrée de septembre, et commence par attaquer le syndicat des pilotes en justice pour non-respect de l’accord Transform, accord signé en 2013 qui portait sur des gains de productivité (entre autres sur le paiement des heures supplémentaires). Cette attaque en justice confirme la rupture entre le management de la compagnie et les pilotes, suite à leur grève à l’automne 2014.
TouTEs visés !
La direction attaque les pilotes, mais aussi, et toujours, les hôtesses et stewards et les personnels au sol. Dans la foulée, elle annonce la réévaluation à la hausse du prix des billets avion réservés au personnel. Ces billets (environ 50 % du prix public sur les longs courriers, mais avec un nombre limité de places par avion) sont un moyen de plus de réduire les acquis sociaux, après les salaires bloqués depuis 4 ans, le temps de travail augmenté par la suppression de jours de congé et de repos (jusqu’à 3 semaines pour les équipes en 3×8). Et la direction d’annoncer de nouvelles attaques à venir sur la mobilité et la flexibilité, pour que les salariéEs suppléent au manque d’effectifs sans hausse de salaire.
Dans le même temps, pour accompagner le transfert de nombreuses activités à des entreprises de sous-traitance qu’elle contrôle totalement ou en partie (Transavia, sociétés d’entretien avions au Maroc et en Chine), la direction annonce des fermetures de lignes et aussi de hangars avion à Orly.
Nouer des liens pour combattre la direction
Face à la bonne nouvelle de la baisse de moitié du prix du pétrole, et avec une bonne dose d’intox, la direction communique sur la baisse de la « recette unitaire », le prix des billets. Mais on apprend dans le journal patronal les Échos qu’en fait cette baisse est en dollars et, ramenée en euros avec la hausse du dollar, la recette unitaire reste stable (et demeure une des plus hautes du marché, avec des avions parmi les plus remplis….), cela dans un contexte de hausse du trafic (+ 1,7 % de croissance cet été pour les avions du groupe Air France-KLM).
Il y a donc beaucoup de raisons de contester cette direction qui ne pense qu’à porter des mauvais coups aux salariéEs, et organise la précarité au risque d’affaiblir la sûreté des vols et l’image de la compagnie. Avec peut-être l’occasion de nouer de nouveaux liens entre les différentes catégories de personnel et dépasser le corporatisme et les divisions qui facilitent le pouvoir patronal.
Jet Aelys