Publié le Mercredi 13 juin 2018 à 15h52.

Blanquefort : « Ford n’en a pas fini avec nous »

Depuis l’annonce de sa volonté de désengagement le 27 février dernier, on s’en doutait, on le craignait, Ford pouvait à tout moment franchir un pas de plus vers la liquidation de l’usine. C’est donc arrivé le jeudi 7 juin lors d’un Comité d’entreprise extraordinaire. La multinationale y a officialisé son choix de lancer la procédure de fermeture de l’usine.

C'est un PSE (« plan de sauvegarde de l’emploi », qui porte si mal son nom) qui sera présenté et « négocié » à partir de fin juin. Il n’y aurait pas de licenciements contraints avant septembre 2019, avec un arrêt total de l’activité prévu à la fin 2019. D’ici là, des plans de départs volontaires (en préretraites notamment) devraient se succéder. Ainsi, c’est la fin de l’usine qui s’organise, se planifie à partir de maintenant.

Un danger prévisible

Et maintenant Ford veut aller vite. Le calendrier est en place, pas question de reculer les échéances. Le document avec les convocations aux réunions du PSE sont déjà arrivées dans les boîtes aux lettres des élus du comité d’entreprise. 

C’est un coup qui fait très mal, même quand on s’y attend. En effet, le danger était si prévisible que cela faisait des mois, et même des années que nous savions que ce moment pouvait arriver et que nous agissions pour l’éviter. Depuis très longtemps Ford menait une politique qui conduisait à cette catastrophe. Nous l’avons dénoncée, nous avons alerté les pouvoirs publics, appelé régulièrement des actions (il y a un an pile nous envahissions le stand Ford aux 24 heures du Mans) : nous avons tenté en permanence d’amorcer la mobilisation.

Aujourd’hui le constat est dur. Nous n’avons pas réussi. Et c’est un moment particulier car forcément il y a de la démoralisation, des doutes, de la tristesse, des pleurs, une fragilisation plus grande encore, il y a même un risque de lâchage.

Ne pas abandonner la bataille

Une fois que l’annonce est faite, c’est une bascule, on n’est plus sous la menace de perdre son emploi, on est en train de le perdre. Le sentiment d’inéluctabilité est encore plus fort et on voit encore moins comment on pourrait empêcher l’issue fatale. C’est forcément difficile pour une équipe militante qui s’est opposée à l’idée qu’on ne pouvait rien y faire, qui a cherché à convaincre les collègues de se prendre en main, de résister pour changer la donne.

Nous en sommes là. Sauf que nous avons énormément discuté entre nous, que nous nous sommes consolés, rassurés. Nous savons que nous ne pouvons pas abandonner la bataille, qu’elle va continuer d’une manière ou d’une autre. Même en position défavorable ou même dans un climat de résignation et d’inaction du côté de la grande majorité des collègues, il est nécessaire qu’une équipe militante et une minorité de collègues soient là pour exprimer la colère, pour affirmer la possibilité de défendre les emplois jusqu’au bout. 

De toute façon la décision de Ford est inadmissible, injuste, révoltante. Et l’hypocrisie du gouvernement est aussi insupportable, comme sa prétendue impuissance, en vérité son refus d’agir pour imposer à la multinationale de respecter ses obligations envers la collectivité. Cela donne autant de raisons de ne pas accepter et de se battre.

Redonner confiance aux collègues

Alors à peu nombreux aujourd’hui, nous espérons quand même changer l’ambiance dans les semaines qui viennent. Nous allons continuer notre propagande, notre journal de lutte, nous allons proposer des actions comme le voyage à Cologne le 20 juin prochain devant le siège de Ford Europe. Et nous allons maintenir le cap de la défense de tous les emplois, contre la fermeture de l’usine, pour le maintien de l’activé, pour que les pouvoirs publics interviennent pour préserver l’intérêt général.

Notre objectif va être de convaincre, de toucher nos collègues, de leur redonner confiance. Nous voulons aussi faire des actions visibles pour toucher largement la population, faire surgir la solidarité, rompre l’isolement parce qu’une usine qui ferme ça concerne tout le monde, parce que nous avons un intérêt commun à stopper les licenciements et les liquidations.

Nous avons encore des choses à faire, à tenter. Alors c’est ce que nous ferons : Ford n’en a pas fini avec nous. 

Philippe Poutou