Les organisations patronales ont d’ores et déjà écrit le programme des mesures à prendre quel que soit le prochain président et elles ont bien l’intention qu’il soit appliqué.
Deux organisations patronales viennent de publier les mesures qu’elles jugent prioritaires pour le prochain quinquennat présidentiel : le Medef bien sûr, mais aussi l’UIMM (Union des industries métallurgiques et minières), la principale fédération de l’industrie.
Cotisations sociales, dépenses publiques, temps de travail
Leur première exigence est une baisse supplémentaire de la fiscalité des entreprises de 35 milliards : il s’agit de poursuivre la baisse des « impôts de production » déjà engagée par Macron pour 10 milliards. Baisser les impôts mais aussi les dépenses : sans pudeur, alors que des milliards d’euros ont été déversés vers les entreprises, le Medef appelle de ses vœux une baisse des dépenses publiques. Voilà qui présage de nouvelles attaques contre les services publics au nom de la lutte contre les déficits et la dette.
Ensuite arrive un grand classique patronal : la baisse du « coût du travail » avec un « transfert des cotisations patronales vers des prélèvements fiscaux (TVA ou CSG) ». Il s’agit d’une attaque supplémentaire contre le système de cotisations sociales afin de transférer encore plus le financement de la protection sociale vers les contribuables au lieu des entreprises. L’UIMM chiffre à 17 milliards la baisse des cotisations sociales employeurs qu’elle réclame.
Sans surprise, la réforme des retraites doit avancer. Le Medef réaffirme son attachement à un recul de l’âge de départ à la retraite à 65 ans (trois mois de décalage par an), avec la suppression des régimes spéciaux. L’UIMM précise qu’elle est favorable à une sous-indexation de la revalorisation de pensions de 1 point par rapport à la hausse des prix : l’érosion des retraites se poursuivrait donc et serait officialisée.
Le Medef n’oublie son traditionnel couplet sur le temps de travail et les 35 heures, et pousse pour « renforcer les marges de manœuvre existantes pour augmenter la durée annuelle sans nécessairement revenir sur la durée légale hebdomadaire », avec le recours accru aux forfaits jours. La durée légale du travail serait ainsi vidée de son sens par une flexibilité accrue.
Les salaires attendront
Ensuite vient le pouvoir d’achat. Bien sûr, pas question d’augmenter les salaires, et il s’agit de mettre en place des dispositifs individuels plus ou moins financés par l’État à travers la défiscalisation. Il s’agirait de « développer, monétiser et défiscaliser le compte épargne temps (CET) », avec également la pérennisation de la « prime Macron » dans les entreprises de moins de 50 salariéEs. Tout cela servirait de prétexte aux patrons pour refuser de vraies hausses des salaires.
L’UIMM a aussi quelques idées sur l’éducation et notamment sur les lycées professionnels : la fédération patronale propose de confier la responsabilité des lycées professionnels sur les filières industrielles au ministère de l’Industrie…
Bon nombre de ces mesures sont dans la lignée de ce qui est fait depuis des années sans résultats positifs, notamment sur l’emploi. Pour se limiter aux deux dernières présidences, sous Hollande, il y a eu le « Pacte de compétitivité » de 2012 qui comprenait notamment la création du CICE, soit 20 milliards d’euros par an en faveur des entreprises sans aucune contrepartie. Quant à Macron, il a baissé l’impôt sur les sociétés, les cotisations sociales employeurs et les impôts de production (sans parler des autres mesures en faveur des riches).
Même Pécresse est rappelée à l’ordre
Mais le patronat n’en a jamais assez et tire à vue sur tout ce qui pourrait ne pas aller dans son sens. Même Valérie Pécresse vient d’en faire les frais. Elle avait annoncé un projet d’augmentation des salaires nets (jusqu’à 3 000 euros par mois) de 10 %, passant par une manipulation des cotisations vieillesse des salariéEs, qui aboutissait à faire financer l’essentiel de la mesure par l’État. Les entreprises n’en étant de leurs poches que pour un tiers (qui aurait été sans doute compensé d’une façon ou d’une autre). Mais c’était trop pour les patrons qui l’ont fait savoir clairement à Pécresse. Celle-ci a donc renvoyé l’essentiel de la mise en œuvre de son projet à la bonne volonté des entreprises et à une grande conférence des « partenaires sociaux ».
La littérature patronale annonce donc ce que les patrons exigeront du prochain président quel qu’il soit. Seule la mobilisation sociale pourrait mettre en échec un programme aussi clairement dirigé contre la grande masse de ceux et celles qui, par leurs travail, produisent les richesses qui permettent aux grands patrons et aux actionnaires de prospérer.