Publié le Jeudi 22 octobre 2020 à 14h17.

Faire face aux milliers de licenciements dans l’aéronautique

Airbus s’apprête à supprimer un emploi sur six, ce qui montre l’ampleur de l’offensive patronale dans le secteur de l’aéronautique, des attaques que le mouvement ouvrier peine à combattre.

Airbus se prépare à supprimer 5 000 postes sur les 29 000 personnes du groupe. À Toulouse, il s’agit de 3 500 sur 24 000. Dans toutes sortes de postes, hors production. surtout dans l’étude. À Toulouse, il y a un peu plus d’ingénieurs et de cadres que d’ouvriers. On a l’impression que la direction veut maintenir la production parce qu’elle pense que ça va repartir dans deux ans et veut pouvoir reprendre la production rapidement. Or, il est difficile de trouver des ouvriers qualifiés dans l’aéronautique et la direction pense sans doute que c’est plus facile de former des ingénieurs. De plus, fermer des postes leur permettra aussi de développer la sous-traitance.

Les négociations en cours

Trois accords sont en discussion. Le premier prévoit tous les départs volontaires, les préretraites et les licenciements. Il a été signé lundi 12 octobre. Le second accord, signé le même jour, concerne l’activité partielle longue durée (APLD). Elle n’est mise en place que dans la production et couvre un tiers des effectifs. Ainsi, les métiers de la production (ouvriers, cadres et ingénieurs) sont protégés des licenciements. Si la direction avait étendu l’APLD aux autres, et il n’y aurait pas eu de suppression de postes : en effet, avec 20 à 40% de chômage partiel, on couvre l’équivalent des 5 000 postes qui seront supprimés, l’écart aurait été couvert par des pré-retraites. FO, CGC, CFTC ont quand même signé l’accord, qui entérine de fait le risque d’avoir des licenciements. FO prétend qu’il n’y aura pas de licenciements et les médias le reprennent mais ce n’est pas vrai. En mars il y aura un point d’étape pour décider le nombre de licenciements en fonction des départs volontaires, de l’accords de performance collective et d’APLD.

Les 5 000 suppressions de postes seront sans doute constituées d’au moins 1 000 retraites anticipés ou départs volontaires, 1 500 en APLD. 1 000 pourraient être sauvés avec des financements publics variés. Pour les 1 500 restants, on ne sait pas, ça pourrait être des licenciements secs.

Enfin, un troisième accord est en discussion, l’accord de performance collective (APC). La direction pourrait tenter de négocier de gros sacrifices. La négociation débutera le 27 novembre. La direction a refusé d’ouvrir l’ALPD à tout le monde, ça signifie qu’ils veulent vraiment “dégraisser” et réorganiser l’entreprise pour augmenter la productivité, développer à terme la sous-traitance y compris dans l’ingéniérie et l’étude.

L’hécatombe dans la sous-traitance

Dans la sous-traitance, la situation est pire. En juillet, un APC a été conclu à Derichebourg avec une perte de 400 à 500 euros sur la fiche de paie des salariéEs. Des plans sociaux ont été négociés dans certaines boites. ainsi, chez ALTEN, il n’y a pas de PSE mais on met la pression aux salariéEs pour qu’ils démissionnent. En particulier en avec des mutation bidons pour que les personnels refusent et soient licenciés pour faute.

Il y a des plans sociaux en négociation dans d’autres boites. Il n’y a pas de chiffres précis, mais les chiffres qui circulent rappelent qu’à Airbus, sur Toulouse et Blagnac, 45 000 personnes travaillent, 29 000 dans la maison-mère et le reste en sous-traitance. Au total, selon une étude de l’INSEE, on parle de 150 000 emplois en comptant l’aéronautique et les emplois induits.

De plus, en Haute-Garonne, l’aéronautique représente une grande partie de l’emploi donc, pour celles et ceux qui perdront leur poste, il sera difficile de trouver un autre travail sans changer de lieu d’habitation.

Clairement, les patrons profitent de la situation de baisse en charge pour faire payer les salariés.

Des réactions embryonnaires

Depuis quelques années, il y a une coordination CGT des syndicats d’Airbus et des sous-traitants, les boites qui sous convention Syntec (Bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils). Y participent les sous-traitants en ingénierie et les fournisseurs, en particulier, le Syndicat CGT de Latécoère, qui a mené des luttes ces dernières années.

Mais la coordination n’est pas suffisante, elle est éclatée entre l’Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie et la coordination de l’aéronautique. De plus, elle ne concerne que les syndicats CGT. Hors, par exemple, à Derichebourg, c’est l’UNSA qui a mené joué le rôle le plus important. Une coordination aéronautique a donc été mise en place pour suppléer ce genre de problèmes. Il y a quelques tracts et une coordination pour tenter d’agir ensemble. Mais le gros du travail se passe encore boite par boite. De fait, la coordination n’a pas encore réussi à changer le rapports de forces et à construire une activité militante qui porte ses fruits, mais le travail est fait et on pourrait avoir des boîtes où ça se mobilse.

Le seul syndicat de classe implanté dans l’aéro est la CGT. Il y peut y avoir d’autres syndicats combatifs, mais ça reste limité. Les autres syndicats, FO, CGC et CFTC en particulier, sont très liés à la direction et les marges de manœuvre des syndicats plus combatifs sont limités. La CGT représente 10 % des suffrages aux élections profesionnelles à Airbus, avec Nantes et St Nazaire, mais elle est faible à Toulouse (environ 5 %), ce qui montre la difficulté à construire des organisations indépendantes dans l’entreprise.

De fait, il y a très peu de mobilisation des salariés. À Derichebourg, où la mobilisation a été conséquente, c’était très tard, après la signature de l’accord donc les perspectives étaient très compliquées, il était difficile de le remettre en cause.

La bonne surprise ces dernières semaines est venue de la grève à ONET, des salariéEs qui font le nettoyage sur la ligne d’assemblage de l’A320. Ils et elles avancent des revendications salariales. En effet, le salaire est très bas, à 11 euros de l’heure pour un nettoyage industriel, difficile physiquement et sur le plan technique. Il faut des qualifications importantes. Les revendications sont d’obtenir le même taux horaires, de 11,60 euros pour tous, le maintien de la prime Covid et sécurité (60 euros chacune), un 13e mois, l’arrêt de la procédure de licenciement contre une élue et des informations sur l’emploi. Deux tiers des salariéEs font grève. La lutte est animé par Sud, en lien avec Sud Rail. Les grévistes organisent un piquet de grève et les chefs sont obligés de nettoyer les avions. Mais ça ne bouge pas plus sur les PSE, et malheureusement la grève s’est terminée sans victoire sur les revendications.

Contester la logique du profit

Les revendications syndicales sont, au vu de l’isolement de la CGT et des difficultés dans le rapport de forces, assez limitées. Il s’agit de refuser le mal nommé “Plan de sauvegarde de l’emploi”, d’élargir l’activité partielle de longue durée et de contester la façon dont la direction présente la situation économique de l’entreprise En effet, cela a des effets catastrophiques sur les fournisseurs, qui s’engouffrent dans la brèche pour attaquer les salariéEs. Ils profitent de la situation pour engager des accords de compétitivité. Ainsi, à Airbus, l’accord de compétitivité proposé vise à imposer de renoncer à des jours de congés. C’est absurde ! On nous demande de travailler plus alors qu’on est censé avoir moins de travail. Seule la CGT conteste cette logique.

Il y a eu un rassemblement devant l’usine pour demander l’extension de l’APLD. La CFDT a été le seul syndicat à avoir accepté de venir. Les autres syndicats n’ont même pas répondu.

Les difficultés sont donc importantes, même si les choses peuvent évoluer au vu de l’ampleur de l’attaque, qui touche fortement les salariéEs, leur famille et l’ensemble du tissu social par le biais des emplois induits.

À nous également de mettre en avant des revendications qui vont plus loin et qui font le lien avec la question du chômage et des conditions de travail, en particulier en remettant en avant la réduction du temps de travail sans réduction des salaires ou l’interdiction des suppressions de postes.