Publié le Samedi 11 octobre 2014 à 08h56.

Ford Blanquefort (33) : on l’a fait !

Faire entendre la voix des salariés inquiets pour leur avenir et en colère contre les entourloupes de Ford... Le Mondial de l’automobile, l’occasion à ne pas manquer : la vitrine des constructeurs, où les véhicules flambant neufs et ultra-modernes sont affichés comme des trophées, où l’on voit à longueur des reportages médias que la crise de l’automobile en réalité n’existe pas...

Pourtant, celles et ceux qui produisent ces véhicules subissent des reculs sociaux au nom de cette crise : fermetures d’usines, précarisation, flexibilité, gel des salaires, dégradation des conditions de travail… À l’usine de Blanquefort, ce sont des périodes de chômage partiel depuis 3 ans, liées à une sous-activité chronique, des menaces pour l’avenir, un chantage permanent.Tout est là pour avoir envie d’exprimer la colère : les profits (40 milliards accumulés ces 4 dernières années), les revenus dingues des dirigeants, les prévisions ambitieuses de Ford (marchés, ventes, bénéfices). Malheureusement, la propagande permanente (compétitivité, productivité) et les années d’inquiétudes ont tendance à paralyser les salariés qui sombrent dans la lassitude et la résignation.À une minorité, mais déterminéEs, nous sommes partis en bus pour l’aventure du Mondial, avec des syndicalistes et salariéEs d’autres entreprises (Carsat, cheminots, CDC, éducation, transport, santé…), des intermittentEs et précaires, des chômeurs de AC !, des étudiantEs … La défense des emplois d’une usine, c’est l’affaire de toute la population !

Colère et fiertéÀ peine arrivés sur les lieux, les complications commencent. Nos bus ne sont pas autorisés à stationner. Puis un comité d’accueil (sécurité, policiers en civil, gendarmes mobiles en nombre...) s’oppose à notre entrée. Le début de longues négociations. Nous avons payé nos billets ! Après une petite bousculade et un jet de gaz lacrymo, nous y arrivons, mais nous sommes fouillés un par un. On veut nous prendre nos confettis, nos autocollants (« pour des raisons de sécurité »...), on nous interdit tout ce qui fait du bruit (mégaphone). Bref tout ce qui peut nous rendre visibles. On sent bien que Ford a des exigences.Notre objectif, c’est le stand Ford. Nous acceptons de laisser les confettis mais gardons nos autocollants. Ouf, on réussit, on entre enfin dans les couloirs du salon, nous savons exactement par où passer pour atteindre le stand... C’est la quatrième fois que nous venons !Nous sommes une centaine mais bien remontés, nous faisons beaucoup de bruit, nous chantons les slogans : « flexibilité, compétitivité, suppressions d’emplois, on n’en veut pas ! Tous ensemble ! », « on veut du boulot, pas du baratin ! », « Tout est à nous ! »Le public est surpris, certains montrant leur satisfaction et font des gestes de sympathie : « vous avez raison ». Puis nous arrivons sur le stand Ford. Les voitures sont bâchées ! On sourit, protection dérisoire. Nous envahissons le stand, on refait la déco à coup d’autocollants, les véhicules sont re-stylisés avec option « défense des emplois ». Nous occupons le stand quelques minutes. Énervement des responsables de Ford. Mais nous sommes là, fiers de faire entendre notre ras-le-bol. On est chez nous.Objectif atteint ! Les médias étaient là, même si l’écho sera finalement, et logiquement, plus faible que les fois précédentes. Mais nous avons été vus, le message entendu. Et surtout, nous l’avons fait, nous avons su contourner toutes les difficultés pour aller au bout. Les salariéEs Ford, comme les autres manifestants, ont une vraie fierté d’avoir été là pour faire entendre un message de colère dans cette ambiance de luxe et de paillettes.

Vincent Alauze et Philippe Poutou