C’était la reprise du travail à la fin du mois d’août, après nos 4 semaines de congés. Enfin, quand on dit reprise du travail, c’est presque une façon de parler car l’activité se réduit encore un peu plus. Ford agit par paliers, comme pour nous habituer à la fin, étape par étape.
La procédure PSE (« plan de sauvegarde de l’emploi ») continue jusqu’à fin novembre, puis il y aura trois semaines durant lesquelles la Direccte (ex-DDTE – Direction départementale du travail de l’emploi) devrait l’homologuer, ce qui devrait nous amener à fin décembre, pile au moment des congés d’hiver. Et, dès janvier, Ford devrait mettre en place les premières vagues de départs (préretraites et départs volontaires) jusqu’en septembre, moment où les non-volontaires devraient être licenciés.
Calendrier contre calendrier
Voilà le programme planifié par la multinationale. Et c’est ce qui nous attend si tout se passe comme prévu. Sauf que nous allons tout faire pour que cela ne se passe pas comme prévu. Pas plus qu’avant les vacances, il n’est question de pronostiquer quoi que ce soit. Même si tout semble en notre défaveur, nous n’avons strictement rien à perdre, et nous avons donc toutes les raisons de tenter de sauver ce que nous pourrons, c’est-à-dire faire en sorte que des centaines d’emplois soient préservés, qu’une partie de l’usine continue son activité.
Pendant que les réunions PSE se succèdent, l’équipe militante CGT construit son calendrier, celui de la lutte contre la résignation et pour changer la donne. En clair, il s’agit d’imposer une reprise de l’usine qui permettrait la continuité de notre histoire et, forcément, du combat.
En ligne de mire, une nouvelle manifestation le 22 septembre contre la fermeture de l’usine et pour la défense des emplois privés comme publics dans la région, histoire de dire encore que nous sommes toutes et tous concernés par le sort d’une usine, qu’il y a nos emplois d’ouvriers mais qu’il y a aussi des milliers d’emplois induits, liés à l’activité de l’usine. Après le 24 mars et le 30 juin, nous tentons à nouveau d’amorcer une mobilisation générale avec la population, avec le mouvement social. Si ça prend, ça aidera forcément à ce que les collègues sortent du fatalisme, pour qu’on reprenne confiance en nous. Ce qui nous aiderait à exprimer la colère qui est bien présente mais enfouie, retenue, comme si on n’osait pas, comme si notre combat n’était pas légitime.
Provoquer le déclic
Le choix de Ford est inadmissible, injustifiable et même scandaleux. Un scandale ordinaire certes, mais cela ne le rend pas plus acceptable. Une multinationale qui fait de gros profits, qui bénéficie de subventions publiques importantes, et qui les détourne de fait. Et des pouvoirs publics qui ne savent rien faire d’autre que multiplier les subventions sans contrôler, sans exiger des comptes aux capitalistes, et qui restent sans réaction quand la multinationale qui ne respecte aucun de ses engagements décide de partir. L’impuissance assumée par l’État est tout aussi scandaleuse et inadmissible.
On a vraiment toutes les raisons de se mettre en colère, de s’opposer à cette catastrophe annoncée. En plus on aurait les moyens de faire du bruit, de déstabiliser à la fois la multinationale et l’État. Toute la population est victime des reculs sociaux, et le ras-le-bol est tellement présent qu’une lutte d’ensemble serait possible. C’est pour cela que nous sommes en lien avec nos camarades syndicalistes des alentours, avec des militantEs associatifs et politiques, et que nous discutons ensemble d’une riposte unitaire.
Philippe Poutou