Publié le Jeudi 21 novembre 2019 à 11h02.

Ford Blanquefort : nouvelle saison, nouvelles batailles

La « chronique » de l’usine Ford Blanquefort n’est pas encore tout à fait terminée. Une nouvelle saison débute en quelque sorte. C’est celle de l’après-lutte ou de l’après-fermeture. Car il y a évidemment un après. Celui de la galère sans doute, celui des conséquences humaines dramatiques peut-être, celui des dégâts sociaux dans et autour de l’agglomération bordelaise.

Même compliquée, il y a une vie après une fermeture et des licenciements, et c’est pour cette raison que ça vaut le coup de le raconter. D’autant plus que du côté des médias, des pouvoirs publics, des voix officielles, c’est le silence absolu. Comme s’il fallait vite passer à autre chose, comme si l’usine était déjà à effacer de nos esprits.

Dérobades, incompétences et trahisons

Un silence bien compréhensible car l’objectif de tous ceux qui veulent ainsi classer l’affaire c’est d’éviter de tirer les leçons d’un « échec », d’avoir des comptes à rendre aux salariéEs et à la population. Comme le disent eux-mêmes les élus locaux, les responsables des collectivités territoriales, des pouvoirs publics, des administrations diverses, il ne faut pas ressasser le passé mais parler maintenant de l’avenir.

Cela peut apparaître très philosophe mais, en réalité, ce n’est que la traduction de leur dérobade, incompétence ou trahison. Le futur qu’ils nous préparent sera tout aussi mauvais, fait des mêmes dérobades, incompétences et trahisons.

Cela est déjà illustré par l’accord qu’ils viennent tous de signer avec Ford, lequel prépare la convention de revitalisation qui se révèlera aussi inefficace que d’habitude. Le terrain est gardé par Ford, donc il ne peut y avoir réindustrialisation du site au moins pour les cinq ans qui viennent. Reste ce qu’ils appellent la « revitalisation » de la zone géographique concernées par les pertes d’emplois en conséquence de la fermeture de l’usine. En gros, cela concerne le département de la Gironde, avec des zones prioritaires qui donneront droit à des bonus.

L’arnaque de la « revitalisation »

La revitalisation, c’est tout bonnement un système de primes, censé attirer des entreprises nouvelles ou censé encourager l’embauche chez celles déjà présentes sur le territoire. C’est le licencieur (ici Ford) qui apporte une somme d’argent fixée par la loi (Ford donne généreusement un peu plus : 14 millions d’euros). Et c’est Ford qui décide de la redistribution, sous contrôle de l’État (préfecture) certes, mais autant dire que Ford devrait faire comme bon lui semblera.

N’importe quelle entreprise pourrait profiter de ces primes. Par exemple, ce qui est le plus probable pour le moment, si Dassault ou TBM (transport bordelais) recrutent, alors ils profiteront de l’aubaine, en obtenant une prime dès qu’ils recruteront. Et s’ils recrutent un ex-Ford, la prime de 3 000 euros sera majorée de 5 000 euros par salariéE. Sans jamais bénéficier directement au salariéE… On imagine quelques patrons bien informés se saisissant d’une opportunité pour recruter en réduisant leurs coûts.

La revitalisation, ce n’est en aucun cas une réindustrialisation. Pour les pouvoirs publics c’est toujours une façon de faire semblant d’agir, de faire comme s’ils avaient une politique industrielle. Au final, ils ne font que ce qu’ils savent faire : donner de l’argent aux capitalistes, plus aux grands qu’aux petits d’ailleurs. C’est le scandale qui continue d’un argent public gaspillé.

Ce qui compte pour nous, entre autres batailles, malgré les filtres, c’est de faire connaître largement les lâchetés et les mensonges de ceux qui ont des responsabilités mais qui se disent impuissants quand il faut agir. Ce seront les mêmes qui, lors des élections, revendiqueront la place et ­affirmeront qu’il faut leur faire confiance.

Philippe Poutou