Publié le Vendredi 27 septembre 2019 à 12h58.

Ford Blanquefort : on perd… mais on n’est pas morts pour autant !

Il s’agissait sans doute, ou peut-être pas (qui sait ?) des dernières initiatives de la CGT-Ford. Ce samedi 21 septembre se sont déroulées une manifestation dans les rues de Bordeaux puis une soirée de solidarité au Krakatoa.

Même si nous savions, depuis le 17 septembre, qu’on ne pouvait plus empêcher nos licenciements (déclaration d’incompétence de la cour d’appel), il s’agissait pour nous, encore et encore, de dénoncer la fermeture de l’usine, la politique destructrice de la multinationale Ford et les capitulations des pouvoirs politiques, de l’État comme des collectivités territoriales.

Convergence 

Cela peut sembler décalé de l’écrire mais, d’une certaine manière, on finit en beauté. La manifestation unitaire contre les licenciements et la précarité a réussi à regrouper comme un échantillon de la population, du touTEs ensemble que nous espérons tant. Nous étions 500, peut-être un peu plus, syndicalistes, associations, politiques, soutiens fidèles, des habitantEs et quelques salariéEs de l’usine. Des drapeaux et banderoles mélangées, avec les Gilets jaunes, les blouses blanches des urgentistes en grève… pour dire que nous étions touTEs concernés par une fermeture d’usine, pour défendre tous les emplois dans le privé et dans le public, pour affirmer que la lutte contre les licenciements partout, c’est forcément tous ensemble.

Le cortège a rejoint l’acte 45 des Gilets jaunes et la manifestation écologiste du début d’après-midi, tout ce monde regroupé au même endroit à la même heure, affichant et concrétisant, au moins un instant, la convergence de nos luttes diverses.

Et puis le soir, nous nous sommes retrouvéEs au Krakatoa, nombreux (un millier) pour un moment festif, de solidarité et de résistance. Avec des artistes, des comédiens amateurs (pour la lecture théâtralisée de textes parus dans le livre Ford Blanquefort - même pas mort), des groupes de musique, des chanteurs, des humoristes, avec l’aide des salariéEs de la salle. À 4 places près, c’était complet (1 096 billets vendus), donc la salle était pleine, dans une ambiance fraternelle, solidaire. Avec beaucoup d’émotion bien sûr, car la lutte contre la fermeture de l’usine, c’est une histoire de 13 ans (première manif en février 2007) et ça fait bizarre de se dire que c’est fini.

Garder la tête haute

Mais nous n’avions pas envie de pleurer ni de dire c’est fini, ou de se dire au revoir, même si, on le sait bien, la suite, quelle qu’elle soit, cela ne sera plus pareil. C’est pour cela que le message était d’affirmer que la bataille continuera, en justice évidemment mais pas seulement.

Nous voulions empêcher la fermeture, nous voulions faire interdire les licenciements parce qu’illégitimes, inacceptables, illégaux tout simplement. Mais notre défaite, notre échec c’est essentiellement la dérobade scandaleuse de tous ceux qui avaient les moyens d’agir, de contraindre Ford, d’imposer le respect de l’intérêt collectif. 

La justice s’est dérobée, à la fin certes, mais à la suite d’une chaîne de dérobades, d’abandon de l’intérêt général, de manque de courage, d’incompétence aussi de la part de l’État comme des collectivités territoriales. Il y avait les moyens que cette histoire se finisse différemment. Il n’y avait aucune fatalité dans cette fermeture. La posture d’impuissance de ceux qui ont le pouvoir, le silence ou la résignation dans les médias, cette soumission à la logique capitaliste nous coûte très cher. 

C’est tout cela qui nous met en colère. Certes nous sommes tristes mais l’injustice, le cynisme, la brutalité de ce que nous vivons, tout comme le soutien et la solidarité qui s’expriment autour de nous, donnent l’énergie et le moral pour batailler encore, pour dire que Ford n’en a pas fini avec nous et qu’on cherchera encore les brèches, les chemins pour défendre nos intérêts, pour tenter de bousculer les routines, pour garder la tête haute.

Philippe Poutou