Le groupe ArcelorMittal, leader mondial de l’acier, liquide… À Fos-sur-Mer, l’un des plus grands sites sidérurgiques européens du groupe, l’inquiétude monte. La CGT, première organisation sur le site, dénonce la stratégie Mittal à l’échelle mondiale mais pointe également l’attitude zélée de sa direction locale.
«Pour bien comprendre comment Lakshmi Mittal, ténor du capitalisme mondialisé, a mis à genoux la sidérurgie européenne il faut prendre un peu de recul » explique Olivier Dolot, syndicaliste CGT, secrétaire du CHSCT d’ArcelorMittal Fos. En 2006, lorsque Mittal lance une OPA hostile sur le groupe Arcelor, la sidérurgie européenne produisait à ce moment-là des aciers à haute valeur ajoutée. Le prix du minerai est à son Everest, celui de la tonne d’acier stagne quelque peu. Chaque site de production du groupe Arcelor est propriétaire de ses brevets, ce qui lui permet d’orienter sa production et de garantir ses débouchés.
En 2009, la « crise » économique frappe. Le groupe ferme alors ses sites belges, puis Florange. Le site de Fos-sur-Mer est frappé de mesures d’économies : 500 départs anticipés, chômage technique, blocages des salaires, baisse des coûts de sous-traitance. L’usine sort de cette période dans un état piteux : des installations abîmées et peu fiables, un sous-effectif permanent, des équipes sans cesse renouvelées par la rotation d’intérimaires...
À la sortie de cette crise, le groupe annonce alors la signature de nouveaux « accords de compétitivité ». « Évidemment dévastateurs, commente Olivier Dolot, ils permettent à la direction du groupe de faire de sa piteuse gestion de crise, la règle ». La deuxième phase peut commencer : les externalisations. Des pans entiers de l’activité sortent du giron Mittal, et à travers la mise sous franchise (via le Luxembourg) de l’ensemble des sites, Mittal va les déposséder de leurs brevets, désormais propriétés de la branche commerciale.
Pari perdant
Mittal va peu à peu se prendre les pieds dans la bobine… 2012, le prix du minerai chute (– 60 % aujourd’hui), et c’est donc sa sidérurgie affaiblie qui doit renflouer les caisses. De plus, face aux 16 milliards de dettes cumulées, les agences de notation le somment de recapitaliser 3 milliards pour 2015. Mittal a donc besoin rapidement de cash, et l’usine de Fos se retrouve à devoir produire, pour de nouveaux marchés et sur ordre du service commercial, environ 30 % d’acier « basique », directement concurrencé par l’acier chinois. « Cette question de l’acier chinois est très délicate, ajoute Olivier Dolot, Mittal vient d’annoncer qu’il n’y aurait pas de dividendes au 4e trimestre 2015. Cela signifie qu’il ne se servirait même pas au passage, ce qu’il avait toujours réussi à faire… D’un autre côté, on sait que c’est l’Europe qui booste la sidérurgie mondiale, avec une hausse cette année de 2,3 % de la demande, et les marchés européens recherchent un acier de haute qualité... »
Toutes les mesures imposées aux personnels ont évidemment un impact dérisoire : le coût de la masse salariale (sous-traitants compris) représente moins de 10 % du prix d’une tonne d’acier, le chômage partiel, 40 centimes par tonne d’économies… « Les installations ne sont plus fiables, la sécurité des personnels est loin d’être assurée, explique encore le secrétaire du CHSCT, nous avons eu 2 morts sur site au mois de septembre, la gravité et le nombre d’accidents corporels sont en hausse constante, les pollutions accidentelles se multiplient ! Et pourtant, on demande aux installations de tourner à plein régime, avec moins de personnels et de produire encore plus pour maîtriser les coûts... »
Alors que Veolia va se porter acquéreur de la branche énergie du site, les craintes pour Fos sont grandes. « Des mesures de chômage technique sont d’ores et déjà annoncées pour une partie des personnels. Fos sera le seul site du groupe à en souffrir, la direction locale étant particulièrement zélée dans le domaine… Si cette nouvelle crise annoncée est gérée comme la précédente, notre site en sortira exsangue, incapable de faire face à une éventuelle reprise ! »
CorrespondantEs