Publié le Mercredi 10 mai 2017 à 10h06.

Justice européenne : jackpot pour Ryanair ?

Ryanair va réclamer 15 millions d’euros à la France. La raison ? Dans un arrêt rendu le 27 avril, concernant la société allemande A-ROSA Fluschiff, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ouvert une nouvelle brèche en faveur du dumping social..

Le « modèle » du transporteur aérien low-cost consistait à exploiter à fond le régime juridique du détachement transnational pour baser ses salariés à Marseille... tout en les affiliant à la sécurité sociale irlandaise, où les cotisations – et les garanties – sont inférieures.

Un modèle douteux qui était en fait une vraie fraude, reconnue comme telle par les tribunaux français en 2013 et 2014.

Ceux-ci ont condamné Ryanair pour travail dissimulé avec obligation de compenser le préjudice pour la Sécurité sociale et l’assurance chômage. En effet, dès lors qu’une entreprise exerce une activité stable, continue et permanente dans un pays donné, elle ne peut plus avoir recours au régime du détachement : elle doit y immatriculer un établissement, y déclarer ses salariés et y payer les cotisations sociales.

Abrogation du régime du détachement !

De la même façon, A-ROSA, spécialisée dans les croisières, avait employé sous contrat suisse 91 salariés sur des navires postés de façon permanente sur la Saône et le Rhône. L’URSSAF avait donc estimé que ces travailleurs devaient être rattachés à la Sécurité sociale française. Mais la CJUE ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, l’URSSAF ne pouvait remettre en cause la validité des certificats d’immatriculation à la sécurité sociale émis par la Suisse sans en référer d’abord à ses homologues.

Les avis sur la portée future de l’arrêt A-ROSA divergent, et de nouvelles péripéties juridiques sont probables. Mais pendant ce temps, la direction de Ryanair exulte et se fend d’un communiqué pour annoncer que « la Sécurité sociale française a agi illégalement au cours des 10 dernières années » et qu’elle réclame à la France le reversement de toutes les cotisations qu’elle a été condamnée à payer.

Une preuve supplémentaire que les institutions de l’Union européenne ont leur agenda propre, et peuvent pousser la destruction des droits des salariés plus loin que ne l’a souhaité tel ou tel de ses membres. Et une raison de plus pour les travailleurs de toute l’Europe d’imposer l’abrogation du régime du détachement qui ne profite qu’à leurs patrons.

Un même patron, un même contrat, les mêmes droits !

Comité inspection du travail Île-de-France