Les cheminotEs sont en grève avant tout pour défendre des acquis sociaux, l’unicité de l’entreprise et leur attachement au service public, et nous sommes solidaires. Mais l’issue de leur grève conditionnera également la réussite ou l’échec d’une politique de lutte contre le réchauffement climatique et la disparition de la biodiversité.
La place du transport voyageurs dans le réchauffement climatique
Les gaz à effet de serre dus aux activités humaines concernent le CO2 (26%), l’ozone (8%), le méthane et les oxydes nitreux (6%). L’impact principal sur l’effet de serre est donc celui des émissions de CO21. Le secteur des transports y contribue pour 13%. C’est donc un secteur très important car le potentiel de croissance des émissions est élevé vu la dépendance considérable de ce secteur aux énergies fossiles (93 % pour le transport routier en France) et la place qu’a prise la mobilité des personnes et des biens dans les pays développés et qu’elle devrait prendre dans les pays dits émergents ou en développement.
La place du rail dans le transport voyageurs en Europe
Les voitures particulières ont représenté 83,4% du transport intérieur de passagers dans l’UE en 2014, les autocars, autobus, tramways et trolleybus 9,1% et les trains 7,6%.
Près de trois quarts (72%) de l’ensemble des déplacements ferroviaires (nationaux et internationaux combinés) dans l’Union européenne (à l’exclusion de la Belgique et des Pays-Bas) ont été effectués dans les quatre plus grands États membres de l’Union, la France et l’Allemagne (données de 2014) représentant ensemble 42% des déplacements ferroviaires nationaux au sein de l’Union et 72% des déplacements ferroviaires internationaux2. En 2015, la France, parce qu’elle a encore un monopole de service public, a affiché un nombre de passagers-kilomètres internationaux parcourus plus de deux fois supérieur à celui de l’Allemagne, qui a elle-même enregistré un chiffre représentant plus de deux fois celui du Royaume-Uni. Pourtant en France près de 76% de la dépense de transport est consacrée à la route, 8% au transport ferroviaire, 6% aux transports collectifs (urbains et en car), 7% au transport aérien, le reste aux transports fluvial et maritime3.
Si on résume ces données, la France est le plus important contributeur au transport ferré voyageurs de l’Europe et le seul parmi les 4 grands pays à ne pas avoir encore privatisé le transport voyageurs. Tout va dépendre donc du conflit en cours et des décisions politiques qui en sortiront : augmenter considérablement la part du service public de transport ferroviaire voyageurs et fret ou laisser le marché capitaliste faire les choix, à l’image du Royaume-Uni et de l’Allemagne.
L’échec de la privatisation du fret ferroviaire
Passé sous la barre des 10% des marchandises transportées depuis l’ouverture à la concurrence, le fret ferroviaire est de nouveau menacé avec la réforme Macron. Et pourtant, même si l’objectif doit être de réduire drastiquement la circulation de marchandises, le rail est la voie à privilégier pour transporter celles dont on a réellement besoin.
Enjeux écologiques et démocratiques
Nous savons toutes et tous que le rail est plus écologique que les gros consommateurs d’énergies fossiles et d’infrastructures que sont les autres transports. Mais cela ne suffit pas. Il faut garantir son développement, son extension et la possibilité pour les couches sociales les plus pauvre de pouvoir y accéder.
C’est l’objectif de la pétition nationale « Pour un plan B écolo et social à la SNCF ! » qui développe les 10 mesures à prendre d’urgence pour les transports4 dans le cadre d’un service public du rail et d’un statut protégeant ces agents de service public :
- Le développement prioritaire du fret ferroviaire.
- Le retour au maillage du territoire. Par l’abandon du projet de suppression de 9000 km de lignes et la réouverture des lignes locales abandonnées et la création de nouvelles.
- L’instauration de la gratuité dans les TER et dans les transports en commun urbains, car les transports collectifs sont le seul choix écologiquement et socialement responsables, et leur gratuité est la seule façon de réussir la transition écologique dans l’égalité.
- L’abandon du système de tarifs variables (yield management).
- Le retour aux trains de nuit contre la grande vitesse. Les pays du nord de l’Europe comme la Norvège, la Suède mais aussi l’Autriche prouvent le succès de ces trains. Le train de nuit est la meilleure alternative à l’avion. Nous soutenons le réseau européen pour le train de nuit « Back on Track ».
- La démocratisation de la SNCF avec une réelle participation des cheminotEs et des usagerEs aux choix d’équipements ferroviaires afin d’avancer vers une société des usagers maîtres de leurs usages.
- La priorité absolue aux trains locaux sur les TGV. La SNCF doit être un vecteur de la relocalisation nécessaire. Moins de grande vitesse mais plus de ferroviaire.
- Le retour du TER au ferroviaire contre l’autobus. On compte aujourd’hui 260 lignes trains et 240 lignes autobus.
Derrière la grève des cheminotEs et en fonction de l’issue de cette lutte, un grand pas sera possible pour développer le rail, ou bien nous perdrons une grande capacité à réduire les gaz à effet de serre dans notre pays. Voilà pourquoi nous devons être solidaires des cheminotEs. Développer, améliorer, rendre accessibles à tous et toutes les voyages en train, c’est notre lutte commune.
Commission nationale écologie
- 1. Cités territoires gouvernance 2013 : http://www.citego.org/bdf_dossier-54_fr.html
- 2. Eurostat : (rail_pa_typepkm) et (demo_gind)
- 3. Chiffres clés du transport. Édition 2017 : https://www.assisesdelamobilite.gouv.fr/file/1256/download?token=IfbXmfOW
- 4. https://www.politis.fr/articles/2018/03/pour-un-plan-b-ecolo-et-social-a-la-sncf-38454/