M-real à Alizay (Eure) est une papeterie qui emploie 330 salariés en CDI et 224 salariés extérieurs. Le groupe finlandais a annoncé sa volonté de vendre et de fermer si aucun repreneur ne se manifestait d’ici septembre. Entretien avec notre camarade Thierry Philippot, secrétaire CGT du comité d’entreprise. Où en est la situation ?Cette annonce est tombée comme un coup de massue. Elle vient après 130 suppressions d’emplois en 2006, une période de presque un an de chômage technique dans l’unité de fabrication de pâte à papier et finalement la fermeture avec 75 nouvelles suppressions d’emplois en juin dernier. À chaque fois M-real a essayé de nous convaincre que c’était la seule solution pour repartir. Mais, au moins pour ce qui est des militants, même si nous pensions avoir un peu plus de répit, il n’y a pas vraiment de surprise, car nous connaissons bien leur objectif réel, qui est d’arriver petit à petit à se débarrasser de nous pour ne plus faire que du cartonnage. Comment comptez-vous réagir maintenant ?Nous repartons du point où nous en étions restés l’an dernier : nous avions démontré la viabilité du site de production intégré pâte/papier aux conditions du marché, en y intégrant de nouvelles productions dites « vertes », comme une chaudière biomasse, la production de granulés de bois et de biocarburants, une unité de désencrage… Le hic, c’est que ces études, payées 70 000 euros par la région et le département, ont été balayées d’un revers de main par la direction. Tout le monde s’est incliné au nom du respect de la propriété privée. Un beau gâchis ! On s’est finalement retrouvés avant l’été sans repreneur, alors la tension est remontée de plusieurs crans : la perspective de l’expropriation de l’usine et de son redémarrage par les travailleurs sous le contrôle de l’État ou de la région, défendue par le NPA, est apparue comme absolument hors de portée, et cela d’autant plus qu’avec le stress accumulé depuis des mois et des mois de chômage technique, la volonté d’en finir s’est imposée. On a quand même la satisfaction d’avoir obtenu de très bonnes conditions de départ pour les 75 qui nous ont quittés (sur 99 prévus). Mais maintenant, on est vraiment le dos au mur ! C’était d’ailleurs bien net à la première assemblée générale le mardi 17 mai : il y avait vraiment beaucoup de monde, y compris des administratifs et le personnel des entreprises extérieures, et une volonté unanime de ne pas les laisser démonter et déménager quoi que ce soit. Quels sont vos objectifs ?D’abord, puisque M-real veut se barrer, qu’ils se barrent, on les a assez vus ! Mais nous exigeons que ses avoirs soient gelés, qu’ils remboursent les aides publiques et dépolluent le site ! Ensuite, nous n’accepterons qu’un repreneur sérieux. Il est hors de question que ça se passe comme pour nos camarades de Pont-Sainte-Maxence (Oise) : au bout d’un an, le type s’est mis en cessation de paiement en empochant au passage plusieurs millions d’euros que personne ne lui a jamais réclamés, et en laissant les travailleurs et leurs familles sur le sable. Nous avons lutté ces dernières années en arborant « Interdisons les licenciements chez M-real comme ailleurs ! » sur nos blousons et banderoles. On ne lâche rien, même si à chaque étape ça devient d’autant plus dur qu’il n’y a au niveau national aucune volonté de coordonner les luttes pour l’emploi qui se déroulent un peu partout, isolées les unes des autres. En tout cas, pour la plupart d’entre nous il n’y a aucune chance de retrouver du boulot ailleurs. Pour le canton et la Vallée de l’Andelle, c’est l’asphyxie assurée. Enfin, nous mettons les pouvoirs publics devant la responsabilité de trouver un repreneur qui mette en œuvre les différents projets validés par l’expertise. C’est d’autant plus à l’ordre du jour qu’on n’entend parler en ce moment que de colloques et de projets tant à propos des alternatives énergétiques que du Grand Paris, et que notre site est situé au bord de la Seine, à mi-chemin entre Paris et Le Havre. Nous avons réactivé le Collectif pour le maintien et le développement de l’emploi chez M-real, autour de la CGT et de la CFE-CGC du site, avec le soutien d’EÉ-LV, du NPA, du PCF, du PS, et de nombreux élus locaux. Il est à noter que, cette fois, les élus de droite sont là aussi, car ils savent bien que M-real apporte 15 millions d’euros par an aux collectivités locales. Une bonne raison de plus pour engager le combat !
Propos recueillis par Pierre Vandevoorde