Publié le Jeudi 4 juin 2015 à 09h59.

Prendre en compte les dégâts du travail, c'est toujours pénible pour les patrons !

La possibilité d’un départ anticipé à la retraite prenant en compte les dégâts dus aux conditions de travail était la seule prétendue avancée obtenue par la CFDT. C’était la contrepartie de son lâchage de la lutte sur les retraites lors des grandes mobilisations de 2010 contre l’allongement de la durée de cotisation...

Les dispositions sur l’incapacité permettant notamment d’abaisser à 60 ans l’âge légal d’ouverture du droit à pension sont particulièrement restrictives, ne s’appliquant qu’aux salariéEs soumis à incapacité ­permanente d’au moins 10 %.

Prise en compte a minimaEn ce qui concerne la pénibilité, sous la pression du patronat, la mise en place du dispositif a été constamment repoussée. Et c’est seulement en 2014 que la loi sur la réforme des retraites a précisé les conditions nécessaires à l’accumulation de points à transformer en droit à des formations, au passage à temps partiel, à un départ anticipé à la retraite.Pour alimenter ce compte, il faut avoir été exposé à l’un des risques suivants : – contraintes physiques : manutention (600 heures par an), postures pénibles (900 h/an), vibrations mécaniques (400 h/an) ;– environnement agressif : agents chimiques y compris fumées et poussières, pression hyperbare, températures extrêmes (900 h/an), bruit (900 h/an) ;– certains rythmes de travail : travail de nuit (120 nuits par an), posté (50 nuits par an), répétitif (900 h/an).Trois mois d’exposition à un des facteurs « donnent » un point, à plusieurs facteurs, 2 points. L’acquisition est possible tout au long de la carrière avec un plafond de 100 points. Pour les salariéEs nés avant le 1er juillet 1956 et toujours exposés à la pénibilité, le nombre de points est doublé. Les 20 premiers points sont obligatoirement utilisés pour financer une formation, sauf pour les salariéEs âgés (nés avant 1960).Le départ en retraite anticipé est ouvert aux salariéEs de plus de 55 ans : dix points donnent droit à une majoration de durée de cotisation et donc de départ en retraite avancé d’un trimestre avec un maximum de 8 trimestres. Le départ pourra intervenir à 58 ans pour les carrières longues et à 60 ans pour un départ à l’âge légal de 62 ans.La prise en compte de seulement quatre facteurs (travail de nuit, répétitif, en milieu hyperbare ou en équipes alternantes) avait été repoussée à janvier 2015, et les six autres à début 2016.

Et encore des reculs...Ce dispositif était déjà très largement en-dessous d’une prise en compte réelle des dégâts occasionnés par les conditions de travail. L’amiante, les risques psycho-sociaux, pour n’évoquer que les cas les plus emblématiques sont absents des risques pris en compte. Mais cela est encore trop pour le patronat, et le gouvernement s’est rendu en grande partie à ses arguments. Les derniers reculs sont issus du rapport commis par un député socialiste et Michel Davy de Virville (ex-DRH de Renault et précurseur sur la voie de la destruction du code du travail), et font l’objet d’amendements au projet de loi sur le dialogue social.L’entrée en vigueur des six facteurs prévue en janvier 2016 a été repoussée de six mois. Pour l’évaluation de l’exposition des salariéEs, les employeurs ne seront plus tenus d’évaluer la pénibilité pour chaque salariéE, mais pourront se baser sur un référentiel construit au niveau des branches professionnelles définissant les postes, métiers et situations de travail pouvant être jugés pénibles. À charge pour la caisse de retraite d’informer le salariéE sur son degré d’exposition et sur les points qu’il a accumulés. La définition de certains facteurs pourrait, de surcroît, être modifiée. Celle relative aux gestes répétitifs devrait ainsi être revue d’ici à fin juillet, afin d’adapter sa définition à « la réalité du travail dans les entreprises industrielles ». À la baisse pour les salariéEs ?Au total, un ensemble de mesures qui reste essentiellement une caution au refus des employeurs à prendre réellement en compte les risques du travail. Cela voudrait dire s’y attaquer en amont par une prévention qui reste le parent pauvre des politiques patronales et gouvernementales.

Robert Pelletier