À l'instar de l'affaire Kerviel, où la Société générale est accusée d'avoir manipulé l'enquête, la direction de la SNCF n'est pas en reste sur le dossier de l'accident de Brétigny-sur-Orge. En effet, les écoutes effectuées durant l’enquête auprès de cadres en disent long sur la volonté de la SNCF de faire la vérité et d'assumer ses responsabilités.
Alors qu'il a rendez-vous avec Guillaume Pepy, le PDG de la SNCF, l'expert judiciaire « indépendant » pressenti pour être en charge du dossier déclare au téléphone : « Je suis pour vous à 100 %, à 200 % ». Les employés auditionnés passeront tous par la case du service juridique de la SNCF : il leur sera conseillé de ne pas ramener de pièces lors de leurs auditions, d'en dire le moins possible aux enquêteurs. L'ordinateur d'un cadre sera même déclaré volé... pour ensuite être retrouvé lors d'une perquisition, mais avec des fichiers effacés !
Ces écoutes révèlent également l’inquiétude de certains agents concernant l'état des voies et Brétigny ne fait pas figure d’exception : Juvisy, Noisy ou encore Valence sont cités. En effet, les différents plans de suppressions de postes ne permettent pas un entretien des voies comme il serait nécessaire. Pour faire des bénéfices, la SNCF rogne sur la qualité de service public et la sécurité des circulations. Une recherche de gains de productivité et de rentabilité à l'aube de l'ouverture à la concurrence...
Pourtant la SNCF a visiblement les moyens de mettre en place un service juridique pour mener la bagarre judiciaire... Et la longueur des procédures judiciaires — et les frais qui en découlent — sont une déclaration de guerre aux victimes et à leurs familles, qui n'ont pas les mêmes moyens pour se défendre.
Pour l'heure, trois cheminots ont été placé sous le statut de témoins assistés... Et Guillaume Pepy n'est toujours pas inquiété. Pourtant, sous son mandat, le constat est sans appel : Brétigny (sept morts et des dizaines de blessés), passage à niveau de Nangis (une dizaine de blessés), Eckwersheim (onze morts et des dizaines de blessés), sans compter la multiplications d'accidents qui n'ont pour l'heure que des conséquences matérielles.
L'accident de ce mardi 9 février en Bavière sur une ligne exploitée par une entreprise privée (le premier bilan fait état de neuf morts) est là pour le rappeler : plus que jamais, nos vie valent plus que leurs profits !
Matthieu Chapuis