Sous-traitant de premier rang d’Airbus, le groupe Derichebourg Aeoronautics Services (opérateur de services aux entreprises) emploie 1600 salariéEs dans la région toulousaine, avec des équipes allant de 20 à 200 disséminées sur les différents sites d’Airbus. Mais cela n’a pas empêché plus de 200 salariéEs de différents sites de se réunir à l’appel de l’UNSA le mardi 9 juin pour exprimer leur colère face à l’Accord de performance collective (APC). L’accord prévoit la suppression de primes, notamment de déplacement et repas (l’équivalent de 14 euros par jour), et la suppression du 13ème mois pour les salariéEs qui gagnent plus de 2,5 fois le SMIC. Cette perte représente environ 500 euros net par mois pour les salariéEs, perte ajoutée à la baisse du revenu liée à la mise au chômage partiel.
Lors d’une réunion entre cadres, le patron d’Airbus aurait affirmé qu’il ne faut pas « gâcher » une crise (sous-entendu, qu’elle serve d’opportunité pour faire passer des plans sociaux). Une pensée que doit sûrement partager le PDG de Derichebourg, qui, après avoir annoncé 700 licenciements il y a un mois, a finalement sorti cet APC sans toutefois garantir qu’un plan de licenciements n’aurait pas lieu ! Si l’ampleur de l’attaque était une performance, la réaction collective des salariéEs aussi : 4 jours de grève et de rassemblements. Une première parmi les sous-traitants aéronautiques, où personne n’est dupe des manigances contre les travailleurs, dans un secteur où les profits ont été mirobolants ces dernières années.
Des salariéEs qui s’organisent à la base
Le rassemblement du mardi 9 juin a été un succès parce que la colère avait pu se partager entre collègues via un groupe Facebook, créé une semaine avant, et rassemblant rapidement 400 salariéEs. Ce « collectif » s’est proposé d’organiser les salariéEs pour contrer l’inertie syndicale et repousser cette attaque de la direction, attaque pleinement approuvée par le syndicat majoritaire, FO, mais dénoncée par l’UNSA et dans une moindre mesure par la CFE-CGC. Vu le succès du rassemblement le mardi, le collectif a rapidement proposé une AG et un vote pour reconduire la mobilisation jusqu’au vendredi, date de signature de l’accord. Les trois jours suivants, une centaine de salariéEs se sont retrouvéEs sur le piquet, devant le siège social, pour réfléchir ensemble à la suite : comment s’adresser aux autres collègues quand la moitié sont au chômage partiel ? Comment faire venir la presse et des soutiens extérieurs ? Quels genres d’action faut-il mener (bloquer un site, écrire un tract, aller mettre une banderole sur le périf) ? Que ce soit en AG ou par petits groupes, tout le monde avait la parole et pouvait s’exprimer.
Parmi les pancartes et banderoles, « en grève contre la misère » et « FO collabos, nous sommes la majorité » reflétaient bien le sentiment général : il n’est pas question de laisser passer un tel accord, qui prend prétexte de la crise pour baisser les revenus des salariéEs.
L’accord est passé, mais pas la colère
Alors, malgré le sentiment de plus en plus prégnant que la direction et les bureaucrates de FO allaient réussir à faire passer l’accord, les grévistes ne se sont pas laissé démonter, et ils étaient nombreux le vendredi matin, rassembléEs à 300 avec des soutiens extérieurs, politiques ou syndicaux.
L’annonce que le vote (consultatif) du CSE avait permis à FO une courte majorité en faveur de l’accord a ainsi été ressenti comme une défaite en demi-teinte, car la réaction collective a quand même montré une autre voie que celle de la conciliation avec la direction : celle de la lutte.
Finalement signé le vendredi soir, l’accord est donc passé, entérinant la baisse drastique de salaire pour juillet. Si cet accord ne sera sûrement que le premier d’une longue série, il n’est pas dit que les luttes collectives ne puissent pas être victorieuses. Dans l’aéronautique, notamment chez les sous-traitants, ces accords risquent de tomber dans plusieurs boîtes – il ne tient qu’aux travailleurs de ce secteur de ne pas laisser les patrons rogner sur leurs vies et leurs revenus !