Il y a une quinzaine de jours aux abords du triage d’Achères Grand Cormier un jeune collègue conducteur du dépôt de Cergy a été tué. Il a été heurté par un train de voyageurs sur les voies du RER A.
Du côté de la direction de la SNCF, comme toujours dans ces terribles drames, on s’émeut, on compatit et on se livre aux mêmes déclarations stéréotypées : il est trop tôt pour savoir, l’enquête dira les responsabilités, le CHSCT fera son travail.
Rien à dire de plus, alors ?
Bien sûr que si. Nous aussi, on ressent une immense tristesse pour cette vie fauchée et la douleur des proches. Mais pour les cheminots de terrain qui travaillent sur wmwacwh.inepsa,76s.uorg chantiers, dans des ateliers et en gare, c’est la colère qui domine, car on sait bien, pour le vivre au quotidien, que nos vies sont toujours davantage mises en danger par les économies que la SNCF fait sur notre dos. Économies sur le matériel, économies sur les effectifs qui dégradent les roulements et les horaires, qui fatiguent, qui minent la vigilance et nuisent à la sécurité.
On les connaît un peu ces pistes et itinéraires où l’on doit marcher. D’un côté du triage à Achères, ils ont été remis en état et on peut cheminer correctement ; mais du côté P3, c'est toujours à l'ancienne et il faut avancer le long des voies. La complexité de bien de ces lugubres sites pousse à improviser dans les déplacements... Notre camarade, en tout cas, n’a pas échappé au RER...
Les zones d’ombre, ça devient la spécialité de la SNCF.
Un peu partout, ce sont des droits d’alerte sur bien des pistes, des remontées sur les dangerosités... qui se heurtent au silence. Et croyez-vous que ceux de la hiérarchie, qui siègent dans les bureaux feutrés, cherchent des améliorations ? Non, ils planchent sur des décrets socles, des accords d’entreprise et autres réorganisations locales qui nous volent encore du temps.
Oui, il y a de quoi être énervés par la « gestion » de la sécurité par l’entreprise. C’est notre sentiment dominant.
En matière de sécurité, la mode est à la disparition d’un certain nombre de procédures : des tâches de sécurité sont décrétées « autres qu'essentielles », ce qui permet de réduire drastiquement les formations pour réaliser ces missions. On fait disparaître les agents d'accompagnement à bord des trains. On multiplie les dérogations aux procédures pour «gagner du temps», supprimant au passage des «boucles de rattrapage» pourtant essentielles. On demande à des commerciaux de descendre dans les voies et de se mettre en danger, avec au mieux quelques rudiments de connaissance ferroviaire (chapeautés par des chefs eux- mêmes formés avec les mêmes rudiments). La liste serait encore longue...
Ensuite, la direction a beau jeu de mettre en avant les « erreurs » ou «inattentions» des agents lors d’accidents, elle crée toutes les conditions pour que ces derniers se multiplient !
Et la liste des accidents mortels ou graves s’allonge.
Le 5 décembre dernier, un ouvrier d’une entreprise privée travaillant pour la SNCF en Gare d’Austerlitz était happé par une foreuse et tué. La même semaine, un collègue percuté par un TER à Nancy décédait; un autre était grièvement blessé par un train de Fret près d’Etampes.
Bien sûr, on verra ce que dira l’enquête, et c’est important pour nous dont les vies sont en jeu. Mais c’est presque du tout vu. On sait où sont les responsabilités : dans le manque d’effectifs, dans la vétusté du réseau exigeant régulièrement d’intervenir dans l’urgence, dans l’externalisation de tâches dangereuses vers des entreprises privées qui ne respectent pas les règles élémentaires... et du côté de ceux qui organisent cette désorganisation meurtrière.
Pour sauver notre peau, nous ne pouvons que nous organiser et lutter, tous ensemble, contre cette politique criminelle.