Alerté par le milieu syndical de la gare Saint-Lazare, le journal Le Parisien publiait ce 28 novembre un article « à sensation », et pour cause, il faisait état de la découverte – et circulation rapide ! – d’un document manuscrit où un chef (qui l’avait malencontreusement laissé traîner) listait les agents de départ des trains...
Il leur décernait des appréciations du genre : « racaille bas de plafond », « roi de l’embrouille », « travail correct mais pas ouf », « un peu conne », « vient du fin fond de la campagne », « fêtard », « gréviste » (oui ou non !), « leader » (plus ou moins !)... Sans compter des appréciations sur la vie privée, avec qui on sort, avec qui on est marié... On peut même lire « chiant niveau sécu… parce qu’il est calé » !
Le Parisien souligne que saisie par les syndicats, la direction s’est excusée auprès des salariés, par un courrier du dirigeant d’Unité opérationnelle (UO) de la gare : « Cette liste, probablement rédigée il y a un an lors de la passation de pouvoir entre deux dirigeants de proximité, contient des propos inappropriés, injustifiés et contraires à la charte de l’éthique de l’entreprise portant notamment sur la vie privée de certains des agents de votre équipe. Une enquête a été ouverte », écrit-il. Et de chercher à rassurer : « Cette liste n’a fait l’objet d’aucune diffusion jusqu’à ce jour. (...) Je n’en avais pas connaissance et cela n’a donc en rien influencé les choix managériaux... »
Mais les collègues ne sont pas dupes, ne croient pas à la seule initiative de chefs zélés, dans un climat où un nouveau « management » vise à faire passer des réorganisations sans fin, dans tous les secteurs, pour supprimer toujours davantage de postes. Peu importe sous quelle forme se fait le fichage, mais c’est bien sûr sur critères que la hiérarchie autorise ou pas les commissionnements, les mutations, les avancements, et évalue comment enfoncer des coins entre nous.
« Nous sommes tous des leaders »
C’est pourquoi dès le lundi 21 novembre en début d’après-midi, les agents du départ des trains ont arrêté intempestivement le travail (peu importe que la procédure légale de dépôt de préavis n’ait pas été respectée !), suivis dans l’après-midi et jusqu’au lendemain par un autre secteur, avec l’approbation de bien des services de la gare dont ils avaient fait le tour. Toutes et tous voulaient avoir accès aux annotations portées sur eux. La direction a tenté moult manœuvres pour que le travail reprenne, surtout que les chefs dépêchés pour faire le taf en remplacement s’en acquittaient fort mal (dur métier !). Mais vainement, le travail n’a repris que le lendemain après-midi...
La direction a accepté pour le début de semaine suivante une réunion ouverte à tous les collègues concernés, et pas seulement à un petit groupe de 5 auquel elle voulait se limiter : « Nous sommes tous des leaders », ont dit les collègues ! Ils se préparent maintenant à demander des comptes et faire prévaloir leurs revendications.
Cocasse de l’affaire, la direction de la gare a eu le culot de faire annoncer à la sono, aux usagers qui ont malheureusement durement galéré du fait de l’arrêt de travail, qu’il y avait eu un problème... de feuilles mortes !
Correspondants