Ce vendredi 28 février, la cérémonie de la 45e édition des Césars s’est déroulée dans une ambiance particulièrement tendue après la nomination sur douze catégories du film J’accuse de Roman Polanski.
Si l’équipe du film n’était pas présente à la salle Pleyel refusant selon leur dires un « lynchage public », le film du réalisateur accusé d’une douzaine d’agressions sexuelles et viols a obtenu trois récompenses dont celle du « meilleur réalisateur » ... alors qu’au même moment se rassemblaient dehors des féministes réprimées par la police qui « protégeait » la cérémonie.
« Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes »
Les Césars 2020 ont été émaillés par l’affaire Polanski de laquelle ils n’ont pu se dépêtrer. Le 13 février 2020, c’était l’ensemble du conseil d’administration de l’Association pour la promotion du cinéma qui démissionnait. Le monde du cinéma devait alors se positionner sur l’affaire et pourtant peu nombreux et nombreuses ont été celles et ceux qui l’ont fait à l’instar d’Adèle Haenel et plus généralement de l’équipe de Portrait de la jeune fille en feu, posé comme un contrepoint du film de Polanski, qui malgré ses dix nominations ne repartira qu’avec le César de la meilleure photographie.
Le refrain bien connu sur « il faut séparer l’homme de l’artiste » était sur toutes les lèvres, pourtant, pour condamner l’homme, il n’y avait plus grand monde. Sans revenir sur l’ensemble de cette question, que nous avons largement traitée dans un article de la revue
Mais en donnant la récompense à Polanski comme meilleur réalisateur, c’est bien l’homme qui a été récompensé, faisant fi des victimes. Le départ de la salle d’Adèle Haenel a symbolisé cette gifle qu’elle décrivait quelques semaines plus tôt dans le New York Times.
Contrairement à ce qui avait pu être dit, Polanski, n’a pas été mis au ban du cinéma français, ni commercialement (son film a fait 1 550 000 entrées en France), ni artistiquement.
« On ne peut plus rien dire », le numéro d’équilibriste de la cérémonie
Mais la honte et le nauséabond ne se sont pas logés uniquement dans cette récompense. Non, le spectacle navrant des dominants qui veulent prouver que leur industrie peut inclure tout le monde mais qu’il faut savoir en rire, a gesticulé pendant l’ensemble de la cérémonie. Le refrain insupportable « on ne peut plus rien dire » a été mis à toutes les sauces pendant plus de quatre heures comme un vieux disque rayé. Le moment le plus pathétique fut peut-être la remise de prix par Matthieu Kassovitz espérant pouvoir encore draguer les actrices sur le thème : « Femmes, je vous aime ». Les Césars auront trouvé des rares moments de fulgurance, comme la remise du prix à Bong Joon Ho pour son film Parasite, dont son distributeur dédiera la récompenses aux « parasites du monde entier », c’est-à-dire aux pauvres, aux exploités, aux dominés. Les Césars ont été finalement le reflet d’une société capitaliste en crise.
D’une part, nous avions des rires complices et des complices qui se taisent comme ont pu le faire les réalisatrices Claire Denis et Emmanuelle Bercot en remettant le César de la meilleure réalisation à Polanski. Mais quelle que soit la manière dont le système essaie de la camoufler, il ne peut plus empêcher la parole des femmes et de l’ensemble des opprimés de devenir une force.
D’autre part, on décerne des prix aux films mettant en lumière cette crise (Parasite, Les Misérables) dans l’espoir vain de pouvoir contrôler et contenir la crise mais on refuse la parole à celles qui comme Adèle Haenel se lèvent proposant une autre fiction (Portrait de la jeune fille en feu) où les femmes construisent d’autres relations à l’amour et au désir que celles que nous impose cette société.