Le 31 mai, au cœur du quartier diplomatique de Kaboul, la capitale de l’Afghanistan, un attentat au camion piégé a tué au moins 90 personnes et fait des centaines de blessés. Il n’a pas été revendiqué, un porte-parole des talibans a nié être « impliqué [...]et le condamne fermement »...
«Nous sommes pour la paix mais ceux qui nous tuent pendant le mois sacré de Ramadan ne méritent pas d’être appelés à faire la paix, ils doivent être détruits », a déclaré le Président afghan, Abdullah Abdullah, l’homme de main des USA et de leurs alliés, comme pour mieux souligner son impuissance. Cet attentat s’inscrit en effet dans une longue série, en particulier à Kaboul que le pouvoir prétend pourtant contrôler. Le nombre de victimes depuis le début de l’année y est plus élevé que jamais. Les talibans comme l’État islamique y ont de nombreuses complicités dans l’armée et la police. En tout, dans le pays, 2 100 civils ont été tués durant les six derniers mois.
Ce crime vient d’abord rappeler cruellement que les premières victimes du terrorisme des fondamentalistes islamiques sont les populations des pays musulmans, victimes aussi de la guerre menées par les grandes puissances. Il montre la faiblesse du pouvoir miné par la corruption, la seule façon pour lui de tenter d’assurer une forme de cohésion de l’appareil d’État.
Les talibans contrôlent environ 40 % du territoire. Ils bénéficient de leurs bases arrière au Pakistan et, vraisemblablement, du soutien d’une fraction des services de renseignement pakistanais. Un des seigneurs de guerre, Gulbuddin Hekmatyar, vient de se rallier au pouvoir et prépare l’intégration de ses quelque 3 000 combattants au sein des forces de sécurité. Autant de futures complicités pour les talibans ou autres terroristes.
Internationalisation du conflit
À l’ombre des talibans prospère la branche locale de Daesh, l’État islamique du Khorassan (ISKP), du nom de l’ancienne région englobant l’Afghanistan, une partie de l’Iran, du Pakistan et de l’Asie centrale. L’Afghanistan est en train de devenir une base de repli pour l’État islamique, et cela contribue à l’internationalisation de la guerre. Chine, Inde, Pakistan, Russie, États-Unis, Union européenne, sans parler de l’Iran et de l’Arabie saoudite, y ont des intérêts stratégiques ou économiques. S’y ajoute la question des migrantEs, en particulier pour l’Allemagne dont le gouvernement a conclu en 2016 un accord de reconduite à la frontière avec l’Afghanistan, accord dont Merkel a été obligé de suspendre l’application.
« Mort au gouvernement », « Démission », « Mort au gouvernement, aux talibans, aux étrangers », scandaient dans la rue ce 2 juin des milliers de manifestants, dénonçant l’incurie de l’État et l’insécurité. La police a tiré à balles réelles faisant plusieurs morts : un mépris criminel de la population par des autorités corrompues. Alors que l’état d’urgence avait été déclaré pour empêcher les manifestations, le lendemain, le 3 juin, de nouvelles explosions ont fait sept morts et une centaine de blessés lors d’une cérémonie à la mémoire d’un des manifestants tués. Le gouvernent discrédité a perdu tout contrôle de la situation.
Et les milliers de militaires supplémentaires que l’Otan et Trump se préparent en envoyer en Afghanistan ne feront qu’attiser les haines et les souffrances de la population, la gabegie meurtrière de cette sale guerre : la plus longue menée par les USA, déjà plus de 110 000 morts.
Une guerre sans issue dans ce monde libéral et impérialiste.
Yvan Lemaitre