Publié le Vendredi 21 mars 2014 à 19h07.

Afrique Europe : les frontières meurtrières de Ceuta et Melilla

Le 18 mars, 500 Africains venus du sud du Sahara ont réussi à franchir la valla de Melilla, ce mur de trois grillages successifs de 7 à 8 mètres munis de barbelés, dont la concertina, barbelés munis de lames de rasoir. 

C’est le passage le plus important, après la centaine de migrants le 6 novembre 2013 –dont certains nous ont raconté à Melilla, leurs périples, leurs espoirs et leur volonté de faire savoir – puis la soixantaine du 15 janvier, une centaine le 17 février et enfin 300 le 28 février.À Melilla et plus encore à Ceuta, ceux qui sont désespérés de ne pouvoir escalader ces murs, tentent l’accès par la mer, vers les plages, mais beaucoup se noient. À Ceuta le 6 février, 15 migrants ont été retrouvés noyés après que les polices espagnoles ou marocaines ont tirés à balles et billes sur leurs bouées.

Franchir le mur de l’Europe forteresseCeuta et Melilla sont deux enclaves espagnoles au Maroc, villes autonomes de type colonial, de quelque 12 à 19 km2 et de 80 000 habitantEs, Espagnols et Marocains, le plus souvent de double nationalité. Elles s’entourent sur plus de 12 km de la valla, ce triple mur très difficilement franchissable. Il doit pourtant l’être en moins de 3 minutes, tant cette frontière est surveillée, de radars, de caméras à infrarouges, de gardes-frontière...À chaque tentative, ce sont des centaines d’Africains qui s’y préparent. Ils se réunissent dans le Gurugu, cette montagne au nord de Melilla où ils survivent quelques mois et même des années. Lorsqu’ils sont tous d’accord, ils choisissent le lieu sur la valla, la date, le moment. Le jour venu, ils s’approchent en longues files les plus discrètes d’abord, sur les flancs de Gurugu. Puis, camouflés avant l’assaut, ils se ruent vers le triple mur. Malgré les blessures, les morts, ils recommenceront. Leur rêve d’Europe est à portée de main. Malgré le froid et la faim, eux qui ont quitté leur terre d’Afrique depuis pas moins de deux ans de route, eux qui arrivent jusqu’au Gurugu, chassés par les forces de police marocaines, se préparent à franchir le mur.Une fois à Melilla, ils sont, au mieux, dirigés vers le Centros de Estancia Temporal de Inmigrantes (CETI), centre de regroupement où ils trouvent hébergement et nourriture. Ils peuvent en sortir, d’abord pour aller se faire enregistrer officiellement et espérer être envoyés, sans papiers bien sûr, en Espagne d’où ils pourront rejoindre famille ou amis ailleurs en Europe. Le CETI ne peut recevoir que 480 personnes, mais actuellement, ils sont 1 400... C’est dire les difficultés que rencontrent les 40 nationalités présentes.

Combattre l’inacceptableCeux qui n’arrivent pas à passer, survivent encore et toujours dans le Gurugu, ou repassent en Algérie, ou rejoignent à environ 150 km au sud, Oujda au Maroc, près de la frontière algérienne, où les Subsahariens s’organisent en communautés élisant leurs chefs.Si les gouvernements marocain, et espagnol ne pensent qu’à renforcer les frontières, ils ne peuvent et ne pourront empêcher le passage des migrants à Melilla : 2 186 en 2012, 2 270 en 2013. Des ONG locales les aident et dénoncent les blessures graves causées par la concertina, les lames de rasoir. Le Maroc comme l’Espagne s’adressent aux États européens pour que le problème de l’immigration clandestine soit posé en Europe. Mais, comment nous, dont les gouvernements et les firmes économiques continuent à profiter, quand ce n’est pas piller, les richesses de l’Afrique, comment nous, nous pouvons accepter ce qui se passe à nos frontières, si perméables aux capitaux, si fermées aux femmes et aux hommes ?

Michèle VillanuevaSur le site d’Europe solidaire sans frontière (ESSF), lire aussi L’Europe forteresse : http://www.europe-solidaire.org/spip.php ?article30491